Les affirmations de l’UE sur les progrès accomplis pour mettre fin à la surpêche sont difficiles à vérifier

Le manque de transparence et la fluctuation des références prises en compte sèment le doute à l'approche de l'échéance de 2020

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Les affirmations de l’UE sur les progrès accomplis pour mettre fin à la surpêche sont difficiles à vérifier
Getty Images

Bien que l'Union européenne ait l'obligation légale de mettre fin à la surpêche dans ses eaux d'ici 2020, il lui reste beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre cet objectif, n'en déplaise aux ministres de la Pêche de l'UE qui affirment avoir réalisé des progrès significatifs en matière de durabilité, notamment en ce qui concerne les limites de capture fixées pour 140 stocks de poissons en 2019.

Venant compliquer les efforts déployés pour éradiquer la surpêche, qui est une exigence de la Politique commune de la pêche (PCP), le processus européen de gestion de la pêche, hautement politisé et souvent négocié à huis clos, souffre d'un manque de transparence et d'explications.

En tant qu'institution officiellement responsable de la mise en œuvre de la politique de l'UE, la Commission européenne devrait être une source d'informations fiable. Or, il est souvent difficile d'obtenir des données complètes sur le lien entre les décisions relatives aux limites de capture et le respect des exigences de la PCP. Ce manque de transparence est aujourd'hui exacerbé par les changements apportés aux repères que la Commission européenne utilise pour mesurer et afficher les progrès accomplis.

La Commission publie tous les ans une communication sur la pêche en juin. Ces dernières années, elle a notamment porté sur les évolutions de mesures établies telles que : la pression exercée par la pêche, les limites de capture que la Commission juge conformes aux points de référence des scientifiques, et la comparaison du volume des stocks avec les chiffres datant d’il y a 15 ans. Si elles sont utiles, ces mesures ne prennent pas toujours en compte les obligations légales auxquelles les institutions de l'UE sont soumises.

À la suite des décisions du Conseil européen, la Commission promeut une liste de limites qui, selon elle, ont été fixées conformément aux obligations légales imposées par la PCP. La Commission a ainsi affirmé en décembre dernier que plus de deux tiers des stocks (59 sur 82) respecteraient ces exigences en 2019. Les critères pris en compte pour établir cette liste restent flous, et les critiques fusent, soulignant des erreurs et omissions importantes, notamment concernant ce qu'il reste à faire pour mettre un terme à la surpêche.

Pour l'aider à fixer des limites de capture, l'UE peut s'appuyer sur les recommandations des scientifiques indépendants qu'elle engage, mais continue pourtant de fixer une part importante des limites de capture au-delà des recommandations de ces spécialistes réputés. Par exemple, le Comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP), une instance de la Commission européenne, a signalé en 2018 que près de 41 % des stocks ne respectaient pas en 2016 les critères de soutenabilité fixés par la PCP.

Pour compliquer encore les choses, et semer la confusion dans l'esprit du public, la Commission a choisi ces dernière années d'utiliser un système d'évaluation basé sur le tonnage. Par exemple, elle a annoncé en 2018 qu'un volume substantiel de captures respecterait des limites fixées conformément aux recommandations des scientifiques.

Après la réunion de décembre du Conseil, Karmenu Vella, le commissaire européen à l'environnement, aux affaires maritimes et à la pêche, a précisé un peu plus la référence du tonnage, annonçant que « près de 99 % des débarquements… gérés exclusivement par l'UE seraient pêchés à des niveaux durables » (nous soulignons). Cette distinction est subtile, mais importante, car elle suggère que la Commission, pour évaluer les progrès accomplis, exclut les limites convenues avec les parties non membres de l'UE. La déclaration de Vella est difficile à corroborer, la Commission n'ayant pas publié les données qui y sont associées.

La fluctuation permanente des repères utilisés pour mesurer les progrès laisse les observateurs dubitatifs quant à l'état réel de la pêche européenne, les contraignant à essayer de rapprocher des ensembles de données différents, basés sur des repères fluctuant d'une année sur l'autre. Présenter des données de tonnage laisse à penser que les objectifs ont presque tous été atteints ; cependant, les ministres continuent de fixer un grand nombre de limites de capture au-delà des conseils prodigués par les scientifiques.

Une étude réalisée par The Pew Charitable Trusts suggère que 41 % des limites convenues en décembre dernier lors de la réunion du Conseil ont été fixées au-delà des recommandations faites par les scientifiques pour 2019. Bien que ce chiffre représente une amélioration par rapport aux 44 % de 2018, il reste largement supérieur à ce qui est nécessaire pour respecter l'échéance de 2020.

Une plus grande transparence serait bienvenue. Par exemple, la Commission pourrait publier une liste des limites de capture qui sont supérieures aux limites préconisées par les scientifiques pour que les États membres puissent se focaliser sur la lutte contre la surpêche. Les ministres pourraient ainsi expliquer pourquoi ils fixent certaines limites au-delà des recommandations des scientifiques. Si le Conseil dispose de nouvelles informations scientifiques, celles-ci devraient être rendues publiques et analysées de manière aussi rigoureuse que les autres recommandations scientifiques faites à l'UE. Si les ministres estiment qu'à court terme la surpêche a un impact favorable sur l'économie, l'emploi et la sécurité alimentaire, le public devrait pouvoir l'entendre et évaluer ces arguments économiques.

L'UE améliore peu à peu sa gestion de la pêche. Pour que les observateurs puissent vérifier les progrès accomplis et pour améliorer la crédibilité de la gouvernance, les décideurs doivent rendre publics les données et les arguments qui sous-tendent leurs politiques. Agir de cette façon, en tenant compte des recommandations des scientifiques lors de la fixation des limites de capture, contribuera grandement à accroître la crédibilité des ministres et à mettre fin à la surpêche dans les eaux de l'UE d'ici 2020.

Andrew Clayton dirige la campagne de The Pew Charitable Trusts pour mettre fin à la surpêche en Europe du Nord-Ouest.

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