Il y a urgence à protéger l'extraordinaire vie sous-marine des îles mexicaines isolées
Le projet de réserve autour des îles Revillagigedo permettrait de sauvegarder la biodiversité et de renforcer la résilience face au changement climatique
Les eaux qui entourent l'archipel des Revillagigedo abritent 366 espèces de poissons, dont 26 sont endémiques.
© Getty ImagesDans l'océan Pacifique, à quelques centaines de kilomètres au sud de la station balnéaire mexicaine Cabo San Lucas, quatre îles volcaniques s'élèvent au-dessus de la surface de l'océan pour former l'archipel des Revillagigedo. Ces îles inhabitées (Socorro, Claríon, San Benedicto et Roca Partida) et les chaînes de monts sous-marins avoisinantes constituent un point de passage crucial sur ce qui se trouve être une véritable autoroute de la biodiversité marine dans le Pacifique.
À cheval sur deux plaques tectoniques, les îles se situent à la jonction des eaux froides du courant de Californie et des eaux plus chaudes du courant nord-équatorial. Ce sont les conditions idéales pour faire remonter à la surface des nutriments venus des profondeurs de l'océan. Cet écosystème permet à toute la vie marine de prospérer, notamment plus de 360 espèces de poissons, des colonies florissantes de coraux et quatre espèces de tortues marines. Il attire en outre une multitude d'animaux migrateurs, dont les baleines à bosse, ainsi que de nombreuses espèces d'istiophoridés, de thonidés et de requins. Au moins 37 espèces de requins et de raies ont ainsi été recensées.
Malgré son isolement, l'archipel est toujours vulnérable à la pression exercée par la pêche, au point que le gouvernement mexicain s'apprête à y créer une réserve marine. En plus de protéger une biodiversité extraordinaire, cette réserve contribuerait également à relier les écosystèmes marins de tout le Pacifique et aiderait le Mexique à renforcer la résilience de son territoire océanique face aux effets du changement climatique.
Les autorités mexicaines se sont engagées à créer un parc national de 148 087 kilomètres carrés dans l'archipel des Revillagigedo, qui serait ainsi protégé de toute activité extractive, y compris la pêche. Pour honorer cet engagement, le président mexicain Enrique Peña Nieto devrait signer un décret créant officiellement l'aire marine protégée (AMP), qui serait la plus grande du pays.
La raie manta (Manta birostris), classée dans la catégorie Vulnérable de la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature, est également l'une des plus grandes attractions pour la plongée sous-marine dans l'archipel des Revillagigedo.
© Getty ImagesAvec la menace croissante que les activités humaines font peser sur les océans, les AMP sont devenues des refuges indispensables pour la vie marine, notamment les grandes espèces migratrices. Pourtant, moins de 1,6 pour cent des océans de la planète sont entièrement protégés, bien en deçà des 30 pour cent que l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) estime nécessaires pour garantir la durabilité des océans.
Des réserves comme celle des Revillagigedo peuvent également accroître la résilience face aux effets du changement climatique, selon une étude publiée en juin dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. Les auteurs de l'étude ont en effet démontré que lorsque les réserves marines sont vastes, éloignées, hautement protégées et bien gérées, elles résistent au changement climatique et contribuent au bien-être des collectivités côtières. Ces réserves servent également de refuge aux espèces qui s'efforcent de s'adapter à un environnement sans cesse changeant.
Ce point est particulièrement crucial alors même que du 6 au 17 novembre s'est tenue à Bonn, en Allemagne, une Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Son objectif était de mieux définir comment les différents pays vont respecter leurs engagements pris au titre de l'Accord de Paris de 2016 sur le climat. En créant un parc national marin dans les îles Revillagigedo, les autorités mexicaines doteraient leur pays d'une tactique peu coûteuse pour mieux s'adapter au changement climatique.
Et ce faisant, le Mexique rejoindrait la liste toujours plus longue des pays (dont les Palaos, les États-Unis et le Royaume-Uni) qui protègent d'immenses étendues de nos océans pour le bien non seulement de la biodiversité marine, mais aussi des générations futures dont la survie dépendra de la santé et de la productivité des océans.
Le pourceau mexicain, une espèce de labre endémique du Pacifique oriental, vit dans l'archipel des Revillagigedo.
© Getty ImagesMaximiliano Bello est l'administrateur général de la section Conservation internationale de The Pew Charitable Trusts.