Vers la création de la première génération d’aires protégées en haute mer

Une méthode scientifique identifie 10 sites susceptibles de contribuer à la sauvegarde de la biodiversité au-delà des eaux nationales

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Vers la création de la première génération d’aires protégées en haute mer
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Le piqueur-mauve (Pelagia noctiluca) est une méduse pélagique bioluminescente. Il fait partie des nombreuses espèces fascinantes vivant en haute mer qui pourraient bénéficier d'un nouvel accord visant à protéger ces vastes étendues d'eau.
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Note de la rédaction : ce rapport a été mis à jour en mai 2024 pour tenir compte de l'adoption par les Nations Unies en juin 2023 du traité sur la haute mer. Ce rapport a également été mis à jour en juillet 2023 et octobre 2024 afin de corriger le nom de l'aire marine protégée côtière à usages multiples de Rapa Nui, en mars 2021 pour ajouter une URL à la note 31, et en avril 2020 afin de corriger la dénomination de l’aire protégée benthique de Norfolk Deep.

Présentation

La haute mer est la partie de l’océan qui s’étend par delà l’horizon, à plus de 200 miles nautiques du littoral, en dehors de la juridiction de tout État. Elle représente environ deux tiers de l’océan et couvre près de la moitié de la surface de la planète. Ces zones nous sont encore méconnues, mais les scientifiques savent qu’elles regorgent de vie et qu’elles comptent parmi les plus grands réservoirs de biodiversité océanique. La haute mer permet une pêche abondante, fournit un habitat et des routes migratoires pour les baleines, les requins, les tortues et les oiseaux de mer, et abrite des écosystèmes remarquables, tels que les coraux de grands fonds et d’autres formes de vie marine majestueuses.

La haute mer est également un espace de plus en plus fréquenté : avec les progrès rapides de la technologie et la croissance des échanges de biens au cours des dernières décennies, presque aucune partie de l’océan, ni même ces eaux éloignées du littoral, ne sont épargnées par l’activité industrielle humaine. Ce dernier bien commun de l’humanité est actuellement régi sans grande coordination par une mosaïque d’organismes régionaux et sectoriels, ce qui conduit à la dégradation du milieu marin et de ses ressources. Bien que ces zones appartiennent à tous, les gouvernements n’ont pour le moment mis en place aucun mécanisme juridique complet pour protéger la vie marine en haute mer.

Mais cela va peut-être changer. Les Nations Unies ont récemment adopté un traité sur la haute mer, visant à assurer la protection et l'exploitation durable de la diversité biologique marine au-delà de la juridiction nationale. Ce traité permet aux pays d'établir un réseau exhaustif et intersectoriel d'aires marines protégées (AMP) en haute mer. Ces aires, lorsqu’elles sont bien gérées, sont des outils efficaces pour renforcer la résilience des océans au changement climatique, éviter l’effondrement des pêcheries et préserver la biodiversité. Moins de 1 % des eaux de haute mer sont à ce jour hautement protégées, alors que des études scientifiques montrent qu’en protégeant au moins 30 % des océans, nous aurions plus de chances d’atteindre les objectifs de santé des océans à long terme.1 Les AMP en haute mer peuvent jouer un rôle clé dans la réalisation de cette mission.

Bien qu’il nous reste encore beaucoup à découvrir, les scientifiques disposent de suffisamment de données et d’études pour commencer à cartographier et à modéliser les foyers de la biodiversité en haute mer.2 Ce rapport identifie certains endroits qui pourraient bénéficier de protections établies dans le cadre d’un nouveau traité sur la haute mer. Les résultats s’appuient sur un projet financé par The Pew Charitable Trusts et mené par des scientifiques de l’Université de Californie à Santa Barbara (UCSB) en collaboration avec des partenaires de 13 universités et organisations. À l’aide’un algorithme prenant en compte plusieurs facteurs, les chercheurs ont analysé les données dont ils disposaient pour identifier les zones de haute mer présentant une valeur exceptionnelle pour la conservation. 

Les 10 sites retenus représentent des zones couvrant un spectre et une combinaison de critères clés, tels que la richesse des espèces, la productivité et la diversité des habitats. Ils sont répartis dans l’ensemble des océans du globe.

Ce rapport souligne également les dispositions du nouvel accord qui favoriseront la mise en place de protections efficaces en haute mer, notamment en fixant des objectifs de conservation pertinents et en exigeant des plans de gestion exécutoires pour ces eaux essentielles, situées au-delà des juridictions nationales.

L’importance de la haute mer

La haute mer est essentielle à la vie sur Terre. Avec une profondeur supérieure à 4 kilomètres en moyenne et pouvant atteindre plus de 10 kilomètres, ces eaux alimentent une faune et une flore marines très variées et sont traversées par des espèces migratrices telles que les baleines, les requins, les oiseaux de mer, les thons et les tortues de mer. Bien que ces zones éloignées soient difficilement explorables, les scientifiques estiment qu’elles représentent environ 95 % de la surface terrestre habitée et pourraient abriter des millions d’espèces inconnues.3

Ces eaux abritent également une étonnante variété d’organismes microscopiques appelés phytoplancton, qui produisent près de la moitié de l’approvisionnement mondial en oxygène.4 Ces organismes transforment par photosynthèse le dioxyde de carbone provenant de la vie marine et de l’atmosphère en air que nous respirons. En outre, la haute mer contribue à réguler la température de l’air à l’échelle de la planète et à ralentir les effets du changement climatique sur la surface terrestre en absorbant et en piégeant le dioxyde de carbone en excès dans l’atmosphère. En 2014, la Global Ocean Commission a estimé la valeur économique de ce phénomène entre 74 et 222 milliards de dollars par an.5 Dans le même temps, cependant, les niveaux plus élevés de dioxyde de carbone dans l’atmosphère contribuent à augmenter les températures et l’acidité des océans. Ces changements menacent les écosystèmes et les habitats dont dépendent les espèces marines, et aggravent les problèmes tels que le blanchiment des coraux et la réduction des concentrations en oxygène, un phénomène communément appelé désoxygénation.

Par opposition, la valeur brute des captures de la pêche en haute mer est estimée entre 7 et 16 milliards de dollars par an.6 Les flottes de pêche industrielle sont actives dans plus de la moitié des océans,7 et plus d’un tiers des stocks de poissons sont surexploités.8 Le rapport 2018 de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sur la situation mondiale des pêches et de l’aquaculture a mis en évidence le déclin des stocks de poissons de haute mer et a reconnu la nécessité de mesures de gestion plus efficaces.9 Selon ce rapport, la part des stocks de poissons faisant l’objet d’une pêche biologiquement non durable est passée de 10 % en 1974 à 33,1 % en 2015.10

Des études universitaires suggèrent que le pourcentage de stocks de poissons surexploités pourrait être sensiblement plus élevé.11 Au cours des 50 dernières années, les stocks de thon et d’autres espèces voisines hautement migratrices, telles que le marlin et le maquereau, ont diminué en moyenne de 60 %. Nombre de ces espèces sont désormais considérées comme pleinement exploitées, voire surexploitées.12

La pêche en haute mer est également préoccupante. Des espèces vivent là dans des conditions extrêmes, avec un accès limité à la lumière et à la nourriture. Nombre d’entre elles, comme les requins grands fonds, sont lentes à atteindre la maturité sexuelle et ne se reproduisent que sporadiquement, ce qui les rend particulièrement vulnérables à la surpêche.13

Toutefois, la surpêche n’est pas la seule menace. Environ 90 % du commerce mondial emprunte des navires qui traversent la haute mer (voir la Carte 1).14 L’augmentation du trafic maritime signifie qu’il reste peu d’endroits sauvages totalement vierges de toute activité industrielle humaine. Les mammifères marins, et d’autres espèces, sont de plus en plus exposés à des risques de collision avec les navires, des nuisances sonores et la pollution due aux rejets d’eaux de ballast et aux fuites de carburant qui contaminent tous les écosystèmes de haute mer. 

La santé des océans se détériore, en grande partie en raison de l’activité industrielle accrue. Même loin des côtes, la haute mer n’est pas préservée des effets du changement climatique, de la pollution plastique, de la surpêche, du transport maritime et autres menaces. Les effets cumulés de la destruction des habitats, de la pollution, des bruits occasionnés par l’exploration pétrolière, gazière et minière, de la navigation et autres activités humaines touchent désormais 66 % des océans.15 Et avec le développement de la technologie, les activités émergentes telles que l’exploitation minière en haute mer et la géo-ingénierie présentent de nouveaux risques pour la vie et les écosystèmes marins en haute mer.16

Les AMP contribuent à protéger la biodiversité en haute mer

Il existe plus de 20 organismes de gouvernance de la haute mer aux mandats très variés : gestion de la pêche, réglementation de la navigation, gestion de l’exploitation minière des fonds marins, etc. Pourtant, aucun n’a de mandat intersectoriel complet assorti d’une autorité juridique donnant priorité à la conservation dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale. Par conséquent, malgré un large consensus autour des données démontrant la valeur économique et environnementale de la haute mer, peu de choses sont mises en place pour préserver sa biodiversité. Aujourd’hui, seul 1 % environ de ces eaux est protégé par des AMP gérées de façon efficace et hautement protégées.17

La gestion de ces aires protégées pour la conservation peut prendre des formes diverses, des zones interdites aux captures où toute activité d’extraction est proscrite jusqu’aux zones à usages multiples où certaines activités à faible impact écologique peuvent être autorisées. Les scientifiques ont constaté que les AMP, en particulier les réserves interdites aux captures, constituaient des outils de protection efficaces.

Les recherches sur des efforts similaires dans les eaux nationales montrent que pour assurer une protection optimale, les AMP doivent être vastes, hautement protégées, isolées, bien gérées et durables. Les bénéfices s’accroissent de façon exponentielle lorsque ces cinq critères sont réunis.18 Une analyse de 2018 a montré que la biomasse moyenne des poissons dans ces réserves marines est 670 % plus élevée que dans des zones non protégées adjacentes et 343 % plus élevée que dans des AMP partiellement protégées.19 Les réserves marines bien conçues peuvent donner lieu à des populations de poissons plus importantes au-delà des limites de l’aire protégée, soit du fait de l’effet de « débordement » (migration de poissons adultes hors de l’AMP), soit du fait de la dispersion des larves qui y sont nées.20

Une bonne mise en œuvre et une gestion efficace sont essentielles pour protéger la vie océanique.21 Les AMP qui protègent à la fois la colonne d’eau et les fonds marins sauvegardent l’environnement avec davantage d’efficacité,22 car il existe une interdépendance entre les espèces qui vivent dans la colonne d’eau et celles qui vivent dans les fonds marins, et toutes jouent mutuellement un rôle essentiel dans leurs écosystèmes respectifs.

Les poissons mésopélagiques, présents dans les profondeurs moyennes, incarnent ce lien vertical au sein de la colonne d’eau. Chaque jour, ces poissons vont dans les profondeurs des océans où la lumière du jour pénètre encore. Ce faisant, ils constituent une importante source de nourriture pour les thons et autres espèces à forte valeur commerciale, et apportent du carbone organique dans les eaux profondes. Ainsi, ils jouent un rôle central, même s’il n’a pas encore été précisément quantifié, dans la lutte contre le changement climatique.23 La plupart des organismes du plancher océanique dépendent des ressources alimentaires provenant de la colonne d’eau qui s’enfoncent jusqu’au fond. À l’inverse, certains phénomènes des profondeurs stimulent la vie à la surface. Les monts sous-marins des fosses océaniques, notamment, peuvent créer des courants qui entraînent l’ascension d’eaux riches en nutriments.

Les AMP hautement protégées peuvent aider les écosystèmes marins à mieux s’adapter et à devenir plus résilients aux effets du changement climatique, y compris en haute mer.24 Par exemple, en protégeant les grands poissons adultes à forte production d’œufs, les réserves marines peuvent aider ces populations à se reconstituer après les mortalités massives dues à l’appauvrissement en oxygène.25

En haute mer, les réseaux d’AMP, qui créent des liens essentiels entre les différents habitats, bénéficient aux espèces hautement migratrices telles que les baleines et les tortues. Un réseau d’AMP bien connectées permet de protéger les lieux les plus importants au sein de leur périmètre, notamment les sites d’alimentation et de reproduction.26 Les bénéfices sont proportionnels au temps passé par les espèces migratrices dans des zones protégées. Par conséquent, des réseaux bien conçus et bien connectés d’AMP s’avèrent particulièrement stratégiques pour la protection de ces espèces.27

Les réseaux d’AMP qui s’étendent au-delà des juridictions nationales peuvent également être bénéfiques aux zones côtières et aux espèces dépendantes de l’accès à la côte. Les tortues luth, par exemple, passent la majeure partie de l’année en haute mer, mais se rendent sur les rivages pour pondre. Malgré les efforts déployés pour préserver cette espèce en voie de disparition, les populations de tortues luth du Pacifique ont chuté de plus de 95 % en l’espace de 20 à 30 ans, un déclin que les scientifiques attribuent en grande partie aux captures accidentelles fatales lors de la pêche à la palangre pélagique.28 Bien que la protection des aires de nidification sur les plages soit vitale pour la reconstitution des populations de tortues luth, il est également essentiel de protéger ces créatures des pratiques de pêche nuisibles dans leur habitat en haute mer.29

La santé de la haute mer a un impact sur les eaux nationales, notamment sur les pêcheries. La surpêche d’espèces clés en haute mer peut avoir des conséquences dévastatrices pour les pays côtiers, en particulier ceux reconnus comme les moins avancés par les Nations unies et dont la subsistance dépend de ressources côtières saines.30

Identification d’une première génération d’AMP en haute mer

Le traité sur la haute mer est l’occasion de protéger les foyers de la biodiversité, ainsi que les écosystèmes et processus importants ou uniques. The Pew Charitable Trusts a réuni une équipe de scientifiques chapeautée par Doug McCauley à l’université de Californie à Santa Barbara (UCSB), afin d’identifier les zones d’une valeur biologique et/ou écologique exceptionnelle..31

Facteurs clés et méthodologie

Les chercheurs ont utilisé un outil de hiérarchisation de la conservation appelé prioritizr R pour identifier les zones qui répondent aux objectifs de conservation tout en minimisant le coût du renoncement, c’est-à-dire le renoncement aux activités de pêche commerciale dans une zone protégée.32 Cet algorithme tente ensuite de trouver une solution qui inclut des zones répondant aux objectifs de conservation tout en évitant celles associées à un « coût » élevé. (Pour plus de détails sur la méthodologie, se reporter à l’annexe.)

Cette analyse n’a pas pris en compte l’étendue océanique de 200 miles nautiques sous juridiction nationale, appelée zone économique exclusive (ZEE), par souci de cohérence avec les autres études sur les zones de haute mer.33

L’analyse comprenait un total de 54 couches de données différentes sur les critères de conservation, regroupées en six grandes catégories, et une couche de données de coûts :

Critères de conservation

Richesse des espèces. Mesure permettant de quantifier les organismes qui existent de façon certaine ou supposée dans des eaux spécifiques, à l’heure actuelle et dans des conditions futures hypothétiques, qui tient compte des effets attendus du changement climatique

Risque d’extinction des espèces. Évaluation de la vulnérabilité de ces espèces par rapport au risque d’extinction, dans les conditions actuelles et celles qui peuvent émerger en cas d’aggravation du changement climatique.

Monts sous-marins. Répartition des grandes montagnes sous-marines.

Cheminées hydrothermales. Répartition des cheminées hydrothermales en haute mer, formations inhabituelles du fond marin dans lesquelles des fluides surchauffés provenant des profondeurs de la Terre ont été ou sont rejetés dans la colonne d’eau.

Diversité de l’habitat des fonds marins. Données qui mesurent la biodiversité benthique dans les différentes catégories de fonds océaniques, que les scientifiques appellent paysages marins et qui présentent des caractéristiques différentes, telles que la profondeur, la pente, l’épaisseur des sédiments, l’oxygène dissous et la température.

Productivité. Cette mesure analyse les concentrations de chlorophylle pour modéliser la productivité primaire ou la vitesse à laquelle les plantes et autres organismes photosynthétiques produisent des composés organiques dans un écosystème.

Couche des coûts

Effort de pêche. Ce facteur mesure le volume de la pêche dans une zone particulière, afin de cibler les eaux qui pourraient être protégées avec un coût minimal pour le secteur de la pêche.

Bien que le transport maritime et l’exploitation minière des fonds marins représentent des menaces actuelles émergentes pour la biodiversité en haute mer, ils n’ont pas été pris en compte dans cette analyse. Les concessions minières des fonds marins dans les zones hors juridiction nationale ont été laissées de côté, car elles en sont encore à un stade expérimental et leur exploitation commerciale n’a pas encore commencé. En revanche, le secteur des transports maritimes a une empreinte mondiale qui touche la majeure partie de la haute mer (voir Figure 1). Bien que cette analyse puisse justifier l’adoption de mesures visant à minimiser les effets négatifs du transport maritime dans d’importantes zones de haute mer, les zones où le trafic maritime est important n’ont pas été écartées.

Un outil pour s’assurer que les cibles de protection sont réunies

Les chercheurs se sont appuyés sur l’outil prioritizr pour s’assurer que les cibles de protection étaient réunies tout en minimisant le coût de la solution mise en œuvre. Pour chacune des 54 couches de données décrites ci-dessus, l’outil a permis de sélectionner des zones qui protégeraient au moins 30 % des critères de conservation de chaque couche, tout en minimisant les chevauchements avec les zones faisant l’objet d’une pêche importante. La Carte 3 montre le résultat de cette procédure et indique en rouge les zones qui réunissaient les cibles de protection mais qui ont été retirées en raison de l’effort de pêche considérable, et donc de coûts plus élevés. 

Résultats : les zones importantes à protéger en haute mer

La haute mer et sa biodiversité sont essentielles à l’équilibre des océans et au fonctionnement de leurs écosystèmes. Elles doivent donc être protégées et exploitées de manière durable. Ce travail peut servir de point de départ pour parvenir enfin à protéger au moins 30 % des océans dans un réseau d’AMP bien connectées.

De nombreuses zones réputées pour leur extraordinaire biodiversité ou d’autres critères de conservation sont incluses dans les résultats. La mer de Barents est une zone particulièrement productive et extraordinaire peu profonde de l’océan Arctique, où les eaux chaudes de l’Atlantique transportées vers le nord par le Gulf Stream rencontrent les eaux froides de l’Arctique. Les animaux se déplacent vers le nord pour suivre la glace à mesure qu’elle fond, et au moins 20 millions d’oiseaux de mer résident dans cette zone chaque été.34

Parallèlement, au pôle Sud, les eaux riches en krill de l’Antarctique figuraient également dans la solution de conservation. Certaines parties de l’océan Austral, près de l’Antarctique, bénéficient déjà de protections établies par la Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR), l’organisation internationale chargée de gérer ces eaux.

Ce rapport se penche sur 10 autres sites représentatifs de l’extraordinaire valeur des zones de haute mer et dignes de protection d’après les conclusions de l’étude de l’UCSB (voir la Carte 4).

Dorsales Salas y Gómez et de Nazca

Les dorsales Salas y Gómez et de Nazca sont des chaînes de montagnes sous-marines situées dans le sud-est de l’océan Pacifique. Leur point de jonction se trouve à environ 2 000 km des côtes du Chili. Ensemble, elles s’étendent sur presque 3 000 km, soit environ la distance entre Paris et l’Égypte. Avec au moins 110 monts sous-marins au-delà des juridictions nationales et à des profondeurs accessibles à la pêche, elles représentent environ 40 % des monts sous-marins de cette région du Pacifique.35 La pêche et les autres activités d’extraction y étant encore limitées, cette zone se prévaut d’une des plus grandes diversités biologiques marines endémiques de la planète et pourrait constituer un habitat essentiel pour la survie d’espèces encore inconnues.36 Par ailleurs, ces monts sous-marins offrent un refuge à plusieurs espèces résidentes et migratrices, comme la baleine bleue et la tortue luth, deux espèces menacées qui reviennent chaque année dans ces eaux pour s’y reproduire et s’y alimenter.37

L’Organisation régionale de gestion des pêches du Pacifique Sud (ORGPPS) veille à la préservation et à l’exploitation durables des ressources halieutiques de cette région du Pacifique, qui représente environ un quart des zones de haute mer de la planète. Les espèces ciblées par cette ORGP incluent l’hoplostèthe orange, la dorade rose et le chinchard. Les méthodes de pêche utilisées sont la pêche à la senne, le chalutage pélagique, la pêche au jig, le chalutage de fond et la pêche à la palangre de fond.38 Il convient de noter que le chalutage a historiquement eu des effets dévastateurs sur les habitats des fonds marins.39

Le Chili a reconnu l’importance biologique de cette zone par le biais de la création dans sa ZEE du parc marin Nazca Desventuradas à l’est et de L’Aire Marine Protégée Côtière à Usage Multiple de Rapa Nui (autour de l’île de Pâques) à l’ouest, toutes deux contiguës des dorsales. Alors que la technologie pour la pêche en haute mer s’améliore et que les stocks côtiers sont toujours plus exploités, le chalutage de fond, qui détruit les fonds marins, risque de se développer dans la région.

Les monts sous-marins de ces eaux offrent un refuge aux espèces résidentes et migratrices, et notamment à la tortue luth.
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Une baleine bleue revenue dans ces eaux pour se reproduire se nourrit de krill.
Mauricio Handler National Geographic

Dôme du Costa Rica

Le dôme thermal du Costa Rica est une zone dynamique située dans l’est du Pacifique tropical. Il a été formé sous l’effet de l’interaction unique entre les vents de surface et les courants océaniques, qui font remonter de l’eau froide et riche en nutriments vers des eaux de surface plus chaudes. En raison de la nature dynamique des vents de surface et des courants océaniques, la localisation du dôme varie selon les saisons, même s’il reste quasiment en permanence au-delà des juridictions nationales des pays d’Amérique centrale.

La remontée d’eaux riches en nutriments entraîne une explosion de productivité : cette nourriture abondante attire de nombreuses espèces très diverses. Les espèces marines migratrices comme le thon, les dauphins et les cétacés reviennent chaque année s’y nourrir. Cette zone constitue par ailleurs un habitat stratégique pour deux espèces en voie de disparition, la baleine bleue et la tortue luth. D’après les scénarios climatiques étudiés, le dôme du Costa Rica pourrait devenir encore plus important pour un nombre croissant d’espèces en voie de disparition et vulnérables, victimes d’un océan toujours plus chaud.40

Des initiatives ont été mises en place pour protéger le dôme du Costa Rica, à la fois dans les eaux nationales et en haute mer, en raison de ses atouts écologiques et de la vie qu’il protège.41 Toutefois, la pêche reste un problème préoccupant, rendu d’autant plus complexe par la mobilité du dôme. En effet, il se déplace avec les saisons et se trouve ainsi en partie dans les eaux nationales des pays d’Amérique centrale pendant environ la moitié de l’année. La pêche commerciale et récréative, ainsi que le tourisme vert, sont très pratiqués dans la région. La vie qu’abrite le dôme est donc confrontée à de multiples menaces liées à l’activité humaine, plus difficiles à gérer en raison de ces va-et-vient entre les eaux internationales et les eaux nationales.

En 2009, la pêche a généré environ 750 millions de dollars dans la région.42 Par ailleurs, le trafic maritime, très important, pose de nombreux problèmes, notamment en matière de collisions avec les baleines et de pollution. En raison de l’importance de la zone pour la diversité de la vie marine, la protection de ces eaux assurerait la survie à long terme de nombreuses espèces et la durabilité des secteurs qui en vivent.

Les eaux riches en nutriments du dôme du Costa Rica attirent de nombreuses espèces très diverses, et notamment l’albacore.
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Les prédateurs marins tels que ces requins à pointes noires se nourrissent de l’abondante vie marine présente dans le dôme du Costa Rica.
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Plateau Lord Howe et sud de la mer de Tasman 

Nichés entre les zones économiques exclusives de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, le plateau Lord Howe et le sud de la mer de Tasman figurent parmi les zones ne relevant d’aucune juridiction nationale qui présentent la plus grande biodiversité et la plus grande productivité de la planète. Ces deux zones sont notamment des étapes stratégiques du parcours migratoire de grands animaux marins comme les baleines à bosse en leur permettant de se protéger de leurs prédateurs ainsi que de se reproduire et de se nourrir.

Le plateau Lord Howe est un plateau océanique situé directement à l’est de Brisbane. Avec ses fonds marins complexes, cette zone est connue pour la richesse de ses espèces. De nombreuses espèces en voie de disparition, comme la Pétrel de Gould, se nourrissent dans ces eaux. Les scientifiques estiment qu’un nombre croissant d’espèces en voie de disparition s’y réfugieront.43

Le sud de la mer de Tasman, directement au sud du plateau Lord Howe, renferme les eaux parmi les plus productives des zones de haute mer. De nombreuses espèces en voie de disparition y vivent, comme les coraux noirs.44 En raison de la richesse de leurs fonds marins, avec notamment des monts sous-marins, ces zones servent d’étapes aux baleines à bosse et baleines franches australes entre leurs aires de reproduction et d’alimentation.

Diverses organisations internationales ont reconnu l’importance de la région,45 et celles chargées de la gestion de ses ressources ont identifié des zones particulièrement essentielles. L’ORGPPS, qui gère les pêcheries de fond actives de la région, a ainsi identifié au sein de sa juridiction plusieurs écosystèmes marins vulnérables en raison de la présence possible d’octocoralliaires et de scléractiniaires à des profondeurs accessibles à la pêche. Pour autant, aucune protection complète n’a encore été mise en place. En dépit de la présence très probable de coraux rares et fragiles dans ces eaux, le chalutage de fond n’est interdit dans quasiment aucune zone.

Les protections existantes sont limitées : elles imposent seulement aux pêcheurs de déplacer leurs activités s’ils rencontrent des récifs coralliens d’eau froide ou d’autres indicateurs laissant penser qu’ils approchent d’un écosystème marin vulnérable, et de communiquer l’emplacement de cet écosystème aux gestionnaires de pêcherie.46 L’ORGPPS considère que ces protocoles sont des mesures transitoires en attendant la mise en place d’autres principes de gestion.47

L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont toutefois reconnu l’importance du plateau Lord Howe et du sud de la mer de Tasman en protégeant les eaux adjacentes sous leur juridiction, notamment avec les aires protégées de Lord Howe et Gifford (Australie) et l’aire protégée de Norfolk (Nouvelle-Zélande).48 Des mesures plus ambitieuses permettant de connecter les écosystèmes de la région assureraient la protection de cet habitat unique et de la diversité des animaux qui y vivent.

Les oiseaux marins comme cette Pétrel de Gould, une espèce en voie de disparition, sont nombreux dans les eaux du plateau Lord Howe et du sud de la mer de Tasman.
Dan Mantle

Chaîne des monts sous-marins de l’Empereur

Située dans le nord-ouest du Pacifique, la chaîne des monts sous-marins de l’Empereur forme un arc de cercle allant du nord-ouest d’Hawaï jusqu’à la Russie. Très productive, elle abrite également une grande biodiversité.49 Formée par le déplacement d’un point chaud volcanique, elle constitue une frontière océanographique qui génère un tourbillon dans la partie supérieure de la colonne d’eau, attirant ainsi des espèces pélagiques en quête d’un lieu de reproduction et d’un habitat.50

De récentes études ont montré que ces monts sous-marins abritaient une grande richesse d’espèces, dont certaines en voie de disparition, et notamment des récifs coralliens d’eau froide. La diversité de ces récifs coralliens est particulièrement importante dans les habitats bathypélagiques, à savoir entre 800 et 3 500 mètres de profondeur, soit environ le double de la profondeur maximale du Grand Canyon.51 La chaîne des monts sous- marins de l’Empereur est la seule chaîne entre Hawaï et les îles Aléoutiennes à abriter de telles espèces. Vivant dans les eaux profondes, les récifs coralliens d’eau froide connaissent une croissance lente et sont moins résistants que leurs homologues côtiers. Ils sont ainsi d’autant plus vulnérables aux activités comme le chalutage de fond.52

Plusieurs pays et entités internationales ont reconnu l’importance de la chaîne des monts sous-marins de l’Empereur. Sa partie méridionale fait partie des eaux nationales américaines et bénéficie ainsi de la protection accordée au Monument national marin de Papahānaumokuākea, une des plus vastes AMP du monde, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.53 Sa partie septentrionale fait en revanche partie des eaux internationales, et les flancs des monts sous-marins sont depuis toujours confrontés à une pêche importante. Elle continue par ailleurs à faire l’objet d’un chalutage de fond intensif.

Les mesures de conservation concernant la chaîne restent limitées. Prises par la Commission des pêches du Pacifique Nord, elles permettent le maintien du niveau actuel de pêche, mais limitent le périmètre du chalutage de fond. En outre, la commission a accordé des exemptions aux acteurs pouvant prouver que leur pêche ne met pas en danger l’environnement.54 La protection de l’intégralité de la chaîne des monts sous-marins de l’Empereur présenterait un intérêt de conservation pour l’ensemble de l’écosystème, et non plus pour les seules zones soumises à une juridiction nationale.

Cette ophiure commensale sur un récif corallien d’eau froide rose vit sur la chaîne des monts sous-marins de l’Empereur, qui accueille de très nombreuses espèces, notamment ce type de récifs coralliens.
NOAA Office of Ocean Exploration and Research, 2015 Flickr Creative Commons
Ce crinoïde pourpre pousse sur une branche morte de corail. L’importance de l’écosystème de la chaîne des monts sous-marins de l’Empereur est reconnue dans le monde entier.
Hohonu Moana NOAA Office of Ocean Exploration and Research, 2016/Flickr Creative Commons

Plateau des Mascareignes

Situé dans l’océan Indien, le plateau des Mascareignes s’étend des Seychelles, au nord, jusqu’à Saint-Brandon, un archipel de Maurice, au sud. Profondes de moins de 20 mètres par endroit, ses eaux abritent l’un des rares écosystèmes de récifs coralliens d’eau peu profonde que l’on trouve en haute mer, ainsi que l’une des seules régions disposant d’herbiers.55 Sur le Saya de Malha, qui constitue la partie centrale du plateau, se trouvent ainsi les plus vastes herbiers contigus du monde : 80 à 90 % des surfaces peu profondes en sont recouvertes.56

L’interaction du Plateau des Mascareignes avec le courant équatorial sud stimule la productivité de l’océan. Cette productivité attire des oiseaux marins comme le Puffin fouquet et des mammifères marins comme la baleine bleue pygmée, qui y trouvent refuge pour se nourrir et se reproduire.57 Le plateau des Mascareignes recèle encore de nombreux mystères, mais ses parties non explorées présentent probablement un fort endémisme en raison des habitats et caractéristiques océanographiques uniques de la région.58

De nombreux organismes internationaux ont reconnu l’importance du plateau des Mascareignes et des régions qui l’entourent. La protection du plateau pourrait ainsi préserver certains de ces écosystèmes uniques et essentiels en étendant les mesures de conservation déjà en place dans la région.59

Pourtant, malgré son importance écologique, certains acteurs cherchent à exploiter ses ressources à des fins commerciales. En 2018, la Joint Commission of the Mauritius-Seychelles Extended Continental Shelf pour la région du plateau des Mascareignes a autorisé la recherche de pétrole et de gaz dans la zone de gestion commune.60 Par ailleurs, le secteur de la pêche s’intéresse au chalutage de fond des monts sous-marins de la région.61 Pour assurer la pérennité à long terme de cet habitat d’une importance cruciale, le plateau des Mascareignes a besoin d’un cadre de protection international dédié et d’un véritable engagement pour sa conservation. 

Les oiseaux marins, comme ce Puffin fouquet, bénéficient de la surproductivité favorisée par l’interaction du plateau des Mascareignes avec le courant équatorial sud.
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Le plateau des Mascareignes abrite l’un des seuls herbiers de haute mer, dans lequel vivent des tortues comme celle-ci.
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Mer d’Arabie

Située directement au sud-est de la péninsule arabique, la mer d’Arabie fait partie du nord de l’océan Indien. Divers facteurs régionaux, notamment la salinité, la chaleur et l’isolement géographique des eaux de surface, entraînent une stratification de l’oxygène dans la colonne d’eau. Ces eaux se trouvent au-delà des ZEE de l’Inde, du Pakistan, d’Oman et du Yémen et abritent ce que l’on appelle la zone de minimum d’oxygène extrême, une caractéristique aussi particulière que rare, à une profondeur comprise entre 200 et 1 000 mètres, soit à une distance égale à la hauteur du gratte-ciel Burj Khalifa de Dubaï. Une zone de minimum d’oxygène extrême témoigne d’une forte densité de population dans la colonne d’eau : ces organismes consomment une grande quantité d’oxygène et en privent par conséquent presque totalement le reste de l’écosystème.

La mer d’Arabie abrite une faune unique, notamment des poissons-lanternes, des calamars volants et des galathées pélagiques, mais aussi un nombre inhabituel d’animaux mésopélagiques qui montent et descendent la colonne d’eau chaque jour pour se nourrir et se protéger. Ce milieu accueille également des créatures des profondeurs uniques, qui ont su s’adapter à la pauvreté en oxygène, ainsi que de grands prédateurs, notamment des calmars, des trachiptéridés, des espèces de thons et des marlins, qui se nourrissent d’animaux mésopélagiques.62 Les scientifiques ont par ailleurs déterminé que la mer d’Arabie constituait un lieu important pour les cétacés et les requins.63 Outre sa grande productivité, elle présente des caractéristiques bathymétriques remarquables, notamment des cheminées hydrothermales et plusieurs monts sous-marins.64

Le caractère unique de cette zone a été reconnu par plusieurs initiatives internationales, ainsi que par de récents efforts de conservation régionaux.65 Le Pakistan a créé sa première AMP dans la mer d’Arabie, autour de l’île Astola, en 2017, en se concentrant sur la protection des baleines à bosse de mer d’Arabie. L’Inde, le Yémen, Oman et la Somalie ont eux aussi instauré des aires protégées nationales dans leurs eaux, mettant en lumière une occasion de connecter les habitats stratégiques de la région.66 Plus que la pêche, ce sont la pollution et les déversements des navires, ainsi que les collisions avec les mammifères marins, qui menacent le plus la biodiversité dans cette région au trafic maritime important.67

Les eaux profondes de la mer d’Arabie abritent des poissons-lanternes, une espèce bioluminescente : ils sont dotés d’organes leur permettant de produire de la lumière.
David Wrobel Visuals Unlimited Inc./Getty Images
Le phytoplancton est à la base de la chaîne alimentaire océanique. Il est présent en grandes quantités dans les zones très productives, comme la mer d’Arabie.
NOAA MESA Project Flickr Creative Commons

Golfe de Guinée

Situé au large de la côte Ouest de l’Afrique centrale, le golfe de Guinée est une zone de forte activité biologique. Une puissante remontée d’eau et la convergence de trois courants marins distincts lui confèrent une des plus fortes productivités de toutes les zones de haute mer de la planète. Par ailleurs, il bénéficie également des sédiments et nutriments apportés par le fleuve Congo.

En effet, de nombreuses zones de haute mer présentent une productivité limitée par la disponibilité de certains nutriments essentiels. L’apport des eaux riches en nutriments du Fleuve Congo permet à la productivité de l’écosystème du golfe de Guinée de se développer pleinement. 

Ces eaux forment ainsi un habitat stratégique pour la migration et la reproduction d’espèces importantes sur les plans biologique et commercial, comme le thon obèse et l’albacore. Les larves, juvéniles et spécimens adultes de nombreuses espèces de thons, d’espadons et raies viennent y grandir.68 La région constitue par ailleurs un habitat de choix pour un nombre important de grands mammifères marins, parmi lesquels les baleines à bosse, les grands cachalots et les dauphins d’Électre.69

Malgré son importance biologique, le golfe de Guinée fait face à de graves menaces, notamment la pêche illicite et non réglementée, ainsi que la piraterie.70 Des experts estiment que plus de 50 % des ressources halieutiques des côtes allant du Nigeria au Sénégal sont surexploitées et que la pêche illicite, non déclarée et non réglementée équivaut à 65 % des prises légales déclarées dans le golfe de Guinée.71 En 2018, la région a souffert du taux de piraterie le plus élevé de la planète en concentrant 40 % des actes survenus dans le monde au cours de l’année.72 Cette accumulation de menaces met en péril la pérennité des pêcheries de la région, ainsi que les espèces en voie de disparition qui y vivent.

Plusieurs espèces de raies, comme la raie Manta en photo ci-dessus, mais aussi de thons, d’espadons et de requins, grandissent et vivent dans les eaux du Golfe de Guinée.
Sirachai Arunrugstichai Getty Images

Dorsale de Walvis

La dorsale de Walvis est une chaîne de monts sous-marins formée par le déplacement d’un point chaud volcanique au sud-ouest de la pointe africaine. Elle s’étend de Tristan da Cunha, un territoire ultramarin du Royaume-Uni au nord-est, à la Namibie. À la fois frontière et zone de mélange entre les eaux profondes de l’Atlantique Nord et les eaux des fonds de l’Antarctique, elle abrite une communauté biologique riche et variée. Les fonds marins de la région sont aussi divers que la vie qu’ils accueillent.

Outre des monts sous-marins, la région dispose ainsi de canyons abrupts, de baies, de plaines abyssales et de communautés de récifs coralliens d’eau froide fossilisés.73 Cette variété de reliefs et d’eaux de surface assure le développement d’une communauté écologique diversifiée, probablement très importante pour les espèces en voie de disparition associées aux monts sous-marins de la dorsale.74

La pêche est relativement limitée dans la région, et le chalutage de fond est interdit sur certains monts sous- marins en raison de leur valeur écologique (fermetures des écosystèmes marins vulnérables). L’importance de la dorsale de Walvis, que les scientifiques recommandent d’exploiter avec précaution, justifie la mise en place de protections internationales permettant d’éviter tout dommage irréversible à cet habitat aussi important qu’unique.

Un banc de dauphins obscurs nage dans des eaux profondes. La variété de reliefs et d’eaux de surface assure le développement d’une communauté écologique diversifiée.
Greg Lecoeur National Geographic
L’importance de la dorsale de Walvis justifie la mise en place de protections internationales permettant d’éviter tout dommage irréversible à cet habitat aussi important qu’unique.
Jim Brandenburg Minden Pictures/National Geographic

Mer des Sargasses et monts sous-marins de Corner Rise

La mer des Sargasses et les monts sous-marins de Corner Rise se situent dans les parties centrale et occidentale de l’Atlantique. La mer des Sargasses est un habitat important, qui se caractérise par la présence des algues du même nom et d’un écosystème diversifié. Peu de régions du monde possèdent une telle importance écologique. Délimitée par les courants qui l’entourent, la zone est appréciée par de nombreuses espèces stratégiques et endémiques, comme les anguilles d’Europe et d’Amérique.75

Elle offre aussi des avantages plus larges, notamment en participant à des processus océanographiques mondiaux comme la séquestration de carbone et la production d’oxygène.76 100 espèces d’invertébrés, plus de 280 espèces de poissons et près de 23 types d’oiseaux fréquentent un jour ou l’autre les sargasses pour leur protection, leur alimentation, leur reproduction ou l’alevinage. Parmi ces espèces, 10 ne sont présentes nulle part ailleurs sur la planète, comme le poisson-grenouille des sargasses, dont le camouflage unique s’est adapté à ces forêts flottantes.

Diverses espèces migratrices se nourrissent des nombreuses communautés de petits organismes qui vivent dans les sargasses. Il s’agit ainsi d’une région stratégique pour la productivité des pêcheries commerciales de l’ensemble de l’Atlantique. D’après les estimations, ces pêcheries génèrent environ 100 millions de dollars par an.77 Dans le nord-est de la mer des Sargasses se trouvent les monts sous-marins de Corner Rise, dont certains sommets ne se trouvent qu’à 200 m de la surface. Ces eaux abritent une faune complexe, notamment des coraux et des éponges, ainsi que de nombreuses espèces en voie de disparition ou vulnérables. Les cheminées hydrothermales et les eaux productives qui entourent les pentes abruptes des monts sous-marins de Corner Rise abritent plus de 175 espèces de poissons.78

Les fermetures des pêcheries, sous la forme de désignations d’écosystèmes marins vulnérables, protègent de nombreuses zones contre le chalutage de fond jusqu’en 2020.79 Toutefois, ces protections sont temporaires et la pêche est historiquement importante dans les monts sous-marins : le risque est réel.80 La région n’est pas non plus à l’abri de l’exploitation minière et du trafic maritime, qui imposent de gérer les espèces invasives relâchées avec l’eau des ballasts.

Pourtant, son caractère unique et sa contribution aux processus océanographiques mondiaux sont reconnus. Ainsi, la commission de la mer des Sargasses cherche à favoriser les recherches permettant de mieux comprendre cet écosystème et coordonne les efforts de conservation régionaux et sectoriels. Elle a réuni différents gouvernements et partenaires pour mettre en place des protections adaptées à cet écosystème exceptionnel. Toutefois, sans mécanisme de gouvernance global pour protéger les zones ne dépendant d’aucune juridiction nationale, les initiatives de protection de la mer des Sargasses restent complexes à mettre en œuvre et fragmentées entre de nombreux organismes internationaux.81

Cette jeune caouanne se réfugie au sein de sargasses, une algue marron. Diverses espèces migratrices se nourrissent des nombreuses communautés de petits organismes qui vivent dans les sargasses.
Masa Ushioda BluePlanetArchive.com

Le nouveau traité peut favoriser la création d’AMP en haute mer

Aujourd’hui, une mosaïque d’organes et de traités internationaux gèrent les ressources océaniques et les activités humaines dans des zones situées au-delà des juridictions nationales. Ces organes, qui supervisent des activités telles que la pêche, la chasse à la baleine, la navigation et l’exploitation des fonds marins, ont des mandats très variés qui définissent leur portée géographique, leurs objectifs, la nature juridiquement contraignante de leurs décisions et les activités qu’ils réglementent. Leurs compétences se chevauchent fréquemment et, trop souvent, cette approche fragmentée conduit à une dégradation de l’environnement et de ses ressources.

Elle rend également difficile le déploiement d’outils de gestion et de conservation tels que les AMP, tant sur le plan juridique que logistique.82 Le traité protégeant la haute mer récemment adopté par les Nations Unies offre l'occasion de combler les lacunes actuelles de la gouvernance des océans, afin de permettre une protection complète de la biodiversité marine en haute mer. Pour que les générations actuelles et futures continuent à tirer profit de la haute mer, les gouvernements doivent mettre à profit cet accord pour établir un réseau d'AMP en haute mer bien connectées et représentatives.

Le nouvel accord international fournit les éléments suivants :

  • Un mécanisme global pour identifier et établir des AMP en haute mer. La mise en place d'un organe décisionnel central, par lequel les États peuvent proposer et convenir de la création d'AMP dans ces eaux, permet d'ouvrir la voie à ce type d'initiatives.
  • Un cadre pour l’adoption d’objectifs de conservation pertinents et de plans de gestion applicables. Le maintien de l’approche actuelle serait inefficace, car la plupart des organismes sectoriels ne disposent pas de l’expertise nécessaire ou d’un mandat pour protéger la biodiversité. Les AMP de haute mer créées avec des objectifs, des plans de gestion et des protocoles d’application concrets sont plus susceptibles de protéger la biodiversité que les zones établies sans de tels paramètres.
  • Un moyen de consulter et de collaborer avec les organismes sectoriels et régionaux. Dans le cadre de ce nouvel instrument, les parties doivent consulter officiellement les organismes sectoriels existants et les organisations similaires. Ces consultations devraient permettre d'éviter les conflits entre les mesures de gestion adoptées dans le cadre du traité et les obligations existantes de ces organismes. Les États peuvent encourager ces organismes à adopter des mesures qui compléteraient les AMP en haute mer établies dans le cadre de l'accord sur la haute mer.
  • Les outils pour une mise en œuvre efficace des AMP. Le nouvel accord exige que les parties veillent à ce que les navires et les activités relevant de leur juridiction respectent les mesures de gestion applicables. Le traité établit des organes qui assurent la surveillance, la mise en place, la gestion et la conformité des AMP en haute mer, notamment en facilitant le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines.

La protection de la haute mer commence par l’identification des zones océaniques importantes qui doivent être préservées. Parmi les efforts intergouvernementaux notables, citons le processus régional mené par des experts pour identifier les zones d’importance écologique et biologique (ZIEB) dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique83 ainsi que les sites inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO. L’UNESCO encourage la protection des zones de valeur culturelle ou naturelle exceptionnelle.84 En 2016, plus de 65 ZIEB partiellement ou entièrement en haute mer avaient été identifiées.85

D’autres études ont également tenté d’identifier des zones particulières au sein des océans.86 Bien que l’approche utilisée dans cette analyse soit différente, elle a permis d’identifier de nombreuses zones identiques, ce qui montre bien que les scientifiques et les décideurs disposent des informations, des données et des outils nécessaires pour identifier rapidement les zones d’importance biologique dans les eaux situées au-delà de la juridiction nationale. S’il est vrai que la haute mer, qui représente la moitié de la planète, reste encore largement à découvrir et à comprendre, les limites des connaissances scientifiques ne peuvent pas servir d’excuse à l’inaction.

Certaines de ces zones ont bénéficié de protections limitées à un seul secteur, telles qu’une réglementation plus stricte de la pêche, tandis que d’autres ont bénéficié d’efforts de coopération spéciaux de la part des nations côtières voisines pour conserver ou exploiter durablement leurs eaux. Malgré tout, l’état des océans continue à se dégrader. La communauté mondiale doit mettre fin au statu quo sur la gouvernance des océans en adoptant une approche ambitieuse pour la mise en œuvre du traité sur la haute mer.

Conclusion

En haute mer, la vie marine est foisonnante. La haute mer sert à la fois d’habitat et de voie de passage aux espèces migratrices et bénéficie de caractéristiques et de processus écologiques uniques qui fournissent les éléments essentiels à la subsistance d’un nombre incalculable de communautés d’espèces rares et endémiques. Ce rapport présente brièvement les zones de haute mer exceptionnelles pour lesquelles des protections renforcées, telles que celles avancées dans le nouveau traité, seraient bénéfiques. L’analyse menée par les chercheurs de l’UCSB montre que même s’il reste encore beaucoup à découvrir dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale, les données scientifiques disponibles sont suffisantes pour commencer à identifier les sites qui feraient d’excellentes AMP en haute mer.

La santé et le fonctionnement des océans se dégradant à un rythme alarmant, les gouvernements du monde entier doivent prendre des mesures audacieuses et urgentes pour veiller à ce que les océans continuent de fournir les bénéfices et les ressources dont tant de personnes dépendent. Ces mesures doivent favoriser la résilience face au changement climatique, le maintien des fonctions des écosystèmes, ainsi que la conservation de la vie marine et des stocks de poissons en bonne santé. Les AMP de haute mer peuvent contribuer à réaliser ces objectifs. Après son entrée en vigueur, le traité fournira un mécanisme juridique permettant d'établir des zones protégées exhaustives et multisectorielles.

Le nouveau traité sur la haute mer est l'occasion de créer un tel outil, et les décideurs politiques devraient commencer à préparer le terrain pour utiliser ses dispositions en vue de faire progresser la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine pour les générations actuelles et futures. 

Annexe : précisions méthodologiques

Facteurs clés et méthodologie

Les chercheurs de l’UCSB ont utilisé pour leur analyse un logiciel de hiérarchisation systématique de la conservation, prioritizr R, afin d’identifier des zones à protéger qui répondent aux objectifs de conservation tout en minimisant le coût associé à la conservation de ces régions. L’algorithme permet de sélectionner des zones spécifiques répondant à divers objectifs de conservation tout en évitant les zones pour lesquelles les coûts seraient élevés (dans cet exercice, les zones avec de fortes concentrations de pêche sont associées à des coûts élevés). Le système fonctionne comme le programme de planification de la conservation Marxan, mais prioritizr utilise des algorithmes précis pour trouver des solutions de conservation optimales.

Pour cette analyse, les zones de la colonne d’eau relevant de la juridiction d’une nation, généralement appelées zones économiques exclusives (ZEE), ont été retirées. Les données relatives aux limites des ZEE proviennent du site MarineRegions.org. Ainsi, cette approche s’aligne sur celle des autres études portant sur les zones de haute mer.87 Les zones obtenues ont ensuite été divisées en unités de planification carrées de 50,1 kilomètres de côté. Six couches de critères de conservation ont été utilisées dans l’algorithme : la richesse des espèces (à la fois actuelle et dans un scénario climatique futur), le risque d’extinction des espèces (à la fois actuel et dans un scénario climatique futur), les monts sous-marins, les cheminées hydrothermales, la diversité des habitats des fonds marins et la productivité. L’analyse a également inclus une couche de données de coûts (effort de pêche). Les couches de données ont été superposées aux unités de planification, et les algorithmes de l’outil prioritizr ont déterminé si la zone devait être incluse dans la solution de conservation.

L’outil prioritizr permet de s’assurer que les objectifs de conservation sont réunis dans les zones ciblées, tout en minimisant les coûts de la solution. L’outil a permis de sélectionner des zones qui protégeraient au moins 30 % des critères de conservation de chacune des 54 couches de données, tout en minimisant les chevauchements avec les zones faisant l’objet d’une pêche importante.

Richesse des espèces

Pour prendre en compte les organismes connus qui existent, ou dont on soupçonne l’existence, dans des zones spécifiques, les données d’AquaMaps ont été utilisées afin de déterminer la richesse des espèces.88 AquaMaps prédit la probabilité relative de la présence d’une espèce dans une zone à partir de données environnementales telles que la profondeur, la température, la salinité et les préférences d’habitat de cette espèce. Dans cette analyse, 11 900 espèces issues des données d’AquaMaps ont été prises en compte et réparties en 23 groupes taxonomiques majeurs.

Pour intégrer les effets attendus du changement climatique, les chercheurs ont utilisé une méthode similaire qui consiste à étudier les projections de données du modèle AquaMaps 2100. Ce modèle identifie les endroits où les espèces sont susceptibles d’être présentes en 2100, en se basant sur les prévisions du changement climatique mondial.

Au final, 46 couches de richesse des espèces ont été analysées par la fonction prioritizr : 23 groupes taxonomiques dans les conditions océaniques actuelles, et ces mêmes groupes dans le scénario de changement climatique.

Risque d’extinction des espèces

L’analyse a également pris en compte le risque d’extinction de ces espèces. Pour ce faire, l’équipe a utilisé les données de l’UICN sur le risque d’extinction, en excluant les espèces pour lesquelles les données sont insuffisantes. Les catégories de la liste rouge de l’IUCN ont été évaluées (En danger critique = 4, En danger = 3, Vulnérable = 2, Quasi menacé = 1 ou Préoccupation mineure = 0) ; les scores de la liste rouge des espèces présentes dans une unité de planification donnée ont été évalués, puis additionnés. Les chercheurs ont réitéré cette procédure pour les données de distribution AquaMaps 2100, bien que cette couche ne prenne pas en compte d’autres facteurs de risque d’extinction, comme l’acidification des océans. Ils ont ainsi obtenu deux couches de « risque d’extinction des espèces » : une représentant le risque actuel, l’autre représentant le risque à venir dans un scénario de changement climatique.

Monts sous-marins

Les monts sous-marins sont de grandes chaînes de montagnes sous-marines où vit une bonne partie de la biodiversité : coraux des grands fonds, mollusques, crustacés et grands bancs de poissons. La profondeur du mont sous-marin a une influence sur le type de biodiversité qu’il abrite. Le degré de pénétration de la lumière dans les monts sous-marins peu profonds, par exemple, a une incidence considérable sur les types de vie qui y survivent et s’y développent.89 L’analyse a utilisé des données sur la répartition mondiale des monts sous-marins mesurées par satellites et décrites par les scientifiques Seung-Sep Kim et Paul Wessel en 2011.90

Pour prendre en compte l’éventail de biodiversité attendue près des monts sous-marins dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale, l’équipe a intégré trois couches de monts sous-marins dans l’outil prioritizr, une pour chaque catégorie de profondeur représentative des monts sous-marins identifiée par Clark et coll. (2011) : 0 à 200 mètres (zone photique : sommets des monts sous-marins dans des eaux peu profondes, où la lumière pénètre), 201 à 800 mètres (zone crépusculaire : sommets des monts sous-marins dans la zone où se trouvent les poissons mésopélagiques et les autres animaux qui migrent verticalement dans la colonne d’eau) et en dessous de 800 mètres (zone d’obscurité : zone biogéographique bathyale inférieure).91

Les types d’organismes que l’on trouve à chaque niveau varient considérablement. Plus bas dans la colonne d’eau, la pénétration de la lumière et la température diminuent tandis que la pression augmente. Il existe donc pour chaque niveau de profondeur de monts sous-marins des espèces uniques en leur genre.

Cheminées hydrothermales

Les cheminées hydrothermales sont des formations inhabituelles du fond marin dans lesquelles des fluides surchauffés provenant des profondeurs de la Terre ont été ou sont rejetés dans la colonne d’eau. Malgré la chaleur intense et le manque de lumière, des organismes marins, y compris des poissons, des crevettes et des moules, parviennent à vivre dans ces eaux. Les scientifiques découvrent très fréquemment de nouvelles espèces à proximité des cheminées hydrothermales, souvent endémiques à ces écosystèmes particuliers.92 Pour la prise en compte des cheminées hydrothermales, les chercheurs ont utilisé les données sur la répartition de la base de données InterRidge Vents Database gérée par InterRidge, organisation à but non lucratif qui promeut la recherche sur les fonds océaniques.93

Diversité de l’habitat des fonds marins

La grande diversité des habitats des fonds océaniques se traduit par des écosystèmes tout aussi diversifiés. Pour prendre en compte cette biodiversité benthique, l’analyse a utilisé une couche de données sur les caractéristiques des fonds marins développée par les scientifiques Peter T. Harris et Tanya Whiteway. Harris et Whiteway (2009) ont intégré des données mondiales sur six caractéristiques biologiques et physiques des fonds marins (profondeur, pente, épaisseur des sédiments, production primaire, oxygène dissous dans l’eau et température) afin d’identifier les zones présentant des caractéristiques d’habitat diverses, et donc une vie potentiellement diversifiée.94

Productivité

Le phytoplancton, ensemble d’organismes microscopiques, est à la base de la chaîne alimentaire dans l’océan et responsable de la majeure partie de la productivité primaire océanique. De ce fait, ces organismes jouent un rôle clé dans le comportement des espèces de haute mer. Cette analyse utilise une couche de données de productivité de l’Université d’État de l’Oregon basée sur le modèle VGPM (« vertically generalized production model »), méthode couramment utilisée pour estimer la productivité primaire dans l’océan. Le modèle VGPM modélise la productivité primaire dans des eaux spécifiques en examinant les concentrations de chlorophylle détectables par satellite, la profondeur du fond marin et la lumière photosynthétique disponible.95

Effort de pêche

Les poissons font partie intégrante de la biodiversité des océans, mais la pêche est devenue une industrie majeure en haute mer. Cette couche de données a été utilisée comme couche de données de « coûts ». L’algorithme a donc tenté de trouver une solution en évitant les zones où la pêche était forte afin de réduire au minimum les pertes de zones de pêches majeures. Les chercheurs ont utilisé un ensemble de données décrivant la répartition mondiale de l’effort de pêche en haute mer (en kilowattheures) publié par Sala et coll. dans la revue Science Advances en 2018.

Les chercheurs ont cartographié l’effort de pêche à partir des données des systèmes d’identification automatique (AIS) et de surveillance des navires (VMS), qui sont des systèmes de suivi de type GPS utilisés sur la plupart des grands navires de pêche en haute mer. Pour minimiser les conflits avec les zones où l’effort de pêche est le plus concentré, le logiciel de planification de la conservation a cherché à écarter les zones du premier quartile de l’effort de pêche.

Autres facteurs

Bien que le transport maritime et l’exploitation minière des fonds marins représentent des menaces actuelles émergentes pour la biodiversité en haute mer, ils n’ont pas été pris en compte dans cette analyse. Les concessions minières des fonds marins dans les zones hors juridiction nationale en sont encore à un stade expérimental et leur exploitation commerciale n’a pas encore commencé. En revanche, le secteur des transports maritimes a une empreinte mondiale qui touche la majeure partie de la haute mer. Bien que cette analyse puisse justifier l’adoption de mesures visant à minimiser l’impact négatif du transport maritime dans d’importantes zones de haute mer, le trafic maritime intense est si omniprésent que ces zones n’ont pas été écartées. 

Bibliographie

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  5. Ibid.
  6. Global Ocean Commission, « From Decline to Recovery » ; E. Sala et coll., « The Economics of Fishing the High Seas », Science Advances 4, no. 6 (2018): eaat2504, 10.1126/sciadv.aat2504.
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  8. Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, « La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture : Atteindre les objectifs de développement durable » (2018), http://www.fao.org/state-of-fisheries-aquaculture/fr/
  9. Ibid.
  10. Ibid.
  11. C. Costello et coll., « Global Fishery Prospects Under Contrasting Management Regimes », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 113, no. 18 (2016) : 5125-29, https://doi.org/10.1073/pnas.1520420113 ; B. Worm, « Averting a Global Fisheries Disaster », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 113, no. 18 (2016) : 4895, https://doi.org/10.1073/pnas.1604008113.
  12. M. José Juan-Jordá et coll., « Global Population Trajectories of Tunas and Their Relatives », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 108, no. 51 (2011) : 20650-55, https://doi.org/10.1073/pnas.1107743108 ; G. Ortuño Crespo et D.C. Dunn, « A Review of the Impacts of Fisheries on Open-Ocean Ecosystems », ICES Journal of Marine Science 74, no. 9 (2017) : 2283-97, https://doi.org/10.1093/icesjms/fsx084.
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  21. D.A. Gill et coll., « Capacity Shortfalls Hinder the Performance of Marine Protected Areas Globally », Nature 543 (2017) : 665-69, https://www.nature.com/articles/nature21708.
  22. Ibid.
  23. Ibid.
  24. Sala and Giakoumi, « No-Take Marine. »
  25. Ibid. ; F. Micheli et coll., « Evidence That Marine Reserves Enhance Resilience to Climatic Impacts », PLOS One 7, no. 7 (2012) : 1-8, https://doi.org/10.1371/journal.pone.0040832 ; C.M. Roberts et coll., « Marine Reserves Can Mitigate et Promote Adaptation to Climate Change », Proceedings of the National Academy of Sciences (2017) : 6167-6175, https://www.pnas.org/content/pnas/early/2017/05/31/1701262114.full.pdf.
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  27. Ibid.
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