Pour améliorer la gestion des pêches et protéger les écosystèmes, les décideurs doivent poser des questions plus pertinentes
Une liste de contrôle pour aider les gestionnaires à demander des recommandations scientifiques
Présentation
De bonnes recommandations scientifiques sont le moteur de la gestion de la pêche. Pour élaborer des politiques globales à long terme incluant des mesures telles que les limites de capture ou les restrictions sur les engins, les gestionnaires posent des questions liées aux objectifs de ces politiques, auxquelles les scientifiques tentent de répondre au mieux. Plus la question est ambitieuse, plus les recommandations auront une portée étendue.
Mais les gestionnaires posent trop souvent des questions limitées qui conduisent les scientifiques à produire des preuves axées uniquement sur des populations de poissons et des captures individuelles. Étant donné que les recommandations scientifiques définissent la politique à mettre en œuvre, ces questions à courte vue ont tendance à produire une gestion à court terme, qui ne tient pas suffisamment compte de l’évolution dans le temps de la santé des océans et qui n’est pas en phase avec la série croissante de traités, cadres et autres obligations adoptés par le monde entier.
Les traités mondiaux, tels que l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons (UNFSA), le Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal (GBF) et le Traité des Nations Unies sur la haute mer obligent les gestionnaires à adopter une approche écosystémique plus large de l’exploitation de la faune et de la flore marines et à s’éloigner d’une gestion des pêcheries axée uniquement sur le rendement, d’où la nécessité de disposer de recommandations scientifiques plus solides et plus étendues1. La gestion écosystémique de la pêche place la biodiversité au centre de la gouvernance des pêches, exigeant des gestionnaires qu’ils prennent en compte les interactions entre les espèces (par exemple, la façon dont la pêche de l’une peut épuiser la nourriture d’une autre) et qu’ils adaptent rapidement les pratiques de pêche en réponse aux changements environnementaux anticipés ou observés. Pour satisfaire ces obligations, les recommandations scientifiques doivent adopter une perspective plus large.
Ce sont les gestionnaires qui lancent et contrôlent le processus de recommandations scientifiques en choisissant les objectifs politiques, ainsi que les espèces, les zones ou les pêcheries auxquelles les demandes s’appliqueront, mais aussi le niveau de confiance ou de risque souhaité. Ils ont par conséquent le pouvoir d’améliorer ce processus pour renforcer les pratiques de gestion qu’il sous-tend. Les organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP) et autres organes multiétatiques de prise de décision en matière de pêche sont souvent en mesure de faire appel à des chercheurs de renommée mondiale pour gérer les processus de recommandations scientifiques et commencer à commander des orientations plus globales.
Les responsables internationaux de la pêche doivent accélérer le passage à une gestion écosystémique en posant à leurs conseillers scientifiques des questions ambitieuses axées sur les écosystèmes et qui tiennent compte des objectifs multiples des politiques d’exploitation durable et de conservation. Lorsqu’ils sollicitent des recommandations, ils doivent définir un champ d’application large qui englobe, par exemple, la santé des populations d’espèces ciblées et non ciblées commercialement, l’intégrité de l’habitat, ainsi que les liens entre les conditions océanographiques et la distribution et l’abondance des stocks ciblés.
Cette note propose trois étapes pour des demandes de recommandations efficaces : préparation, lancement et formulation. Elle fournit aussi une liste de contrôle qui aidera les décideurs politiques à suivre ces étapes, ainsi que cinq études de cas pertinentes. Les gestionnaires peuvent mettre en œuvre ces étapes dès maintenant pour formuler des demandes de recommandations classiques plus efficaces, mais surtout pour mieux se positionner afin de recevoir l’orientation scientifique plus large dont ils auront besoin au cours de leur transition vers une gestion écosystémique d la pêche.
Préparation : concevoir le processus de demande
Pour recevoir des recommandations globales susceptibles de renforcer les pratiques de gestion, les demandes adressées aux scientifiques doivent être élaborées selon un processus solide et transparent qui inclut certaines pratiques standard, mais aussi capable de s’adapter au contexte spécifique de chaque demande. De cette façon, les parties prenantes sont correctement impliquées et les décisions clairement documentées. Les éléments essentiels à inclure à chaque processus de demande sont les suivants :
- Forum principal : lors de l’élaboration d’un processus de demande, les responsables doivent d’abord identifier, ou si nécessaire créer, l’entité la mieux à même de lancer et de superviser la demande. Les groupes de discussion entre scientifiques et gestionnaires sont idéaux, mais d’autres organismes ou agences peuvent également remplir cette fonction avec efficacité2. La demande de recommandations scientifiques nécessaires à la mise en œuvre d’une gestion écosystémique nécessite parfois la création de groupes de travail complémentaires axés sur les écosystèmes ou de comités subsidiaires au sein des organismes multilatéraux de gestion de la pêche3.
- Documentation ouverte : une fois le forum principal désigné, il doit commencer son travail en établissant des mécanismes, tels que des modèles standardisés et des protocoles de diffusion, afin d’enregistrer intégralement et de partager de manière transparente avec les parties prenantes toutes les communications, réunions et décisions relatives à la demande.
- Liaison multilatérale : pour les pêcheries internationales partagées, la demande de recommandation nécessite le soutien et la participation active de tous les États concernés. Cette implication est particulièrement importante dans des régions telles que l’Atlantique Nord-Est, où divers accords de pêche bilatéraux, trilatéraux et multilatéraux/ORGP opérant dans le même bassin océanique créent une mosaïque de régimes de gouvernance qui se chevauchent. Dans ce type de situation, chaque procédure de demande doit être élaborée conjointement et examinée collectivement par tous les gestionnaires concernés, afin de refléter les politiques nationales en matière de pêche et d’environnement de tous les États impliqués.
- Participation des parties prenantes : le degré d’implication des parties prenantes doit être adapté à chaque processus de demande. Les organismes du secteur de la pêche, les entreprises de la chaîne d’approvisionnement en produits de la mer, les organisations non gouvernementales et d’autres parties prenantes peuvent tous jouer un rôle stratégique dans l’élaboration d’une demande. L’intégration de ces parties prenantes, d’autres perspectives et d’autres formes de connaissances diverses dans le processus de formulation de la demande améliore la crédibilité, la pertinence et la légitimité des recommandations scientifiques et des décisions politiques connexes4. Par exemple, une demande de recommandation sur un écosystème ou des groupes d’espèces peut nécessiter la contribution d’un large éventail de parties prenantes ayant une expérience concrète de cet écosystème ou une expertise sur des espèces spécifiques ou sur des tendances écologiques et sociales plus larges.
Il est toutefois important que l’inclusion de ces acteurs aille au-delà de la formulation de la demande. Les parties prenantes peuvent avoir des visions et des priorités divergentes au sujet d’une pêcherie ou d’un écosystème. Pour s’assurer que les préoccupations de tous sont prises en compte, le forum principal doit concevoir des processus transparents et cohérents sur la manière et le moment où les parties prenantes apportent leur contribution (idéalement, plusieurs opportunités) et sur la manière dont leurs commentaires sont intégrés à la demande et conciliés avec les obligations politiques. En outre, lorsqu’un processus de demande nécessite des modèles ou des simulations complexes, le forum principal peut avoir besoin d’impliquer les parties prenantes avant que ces modèles ne soient développés, afin de s’assurer que tous les groupes concernés comprennent les résultats et leurs limites5.
Lancement : définir le champ d’application
Une fois qu’un processus solide a été conçu, les gestionnaires doivent commencer à élaborer la demande à proprement parler en définissant le champ d’application. Le champ d’application doit refléter le fait que, de plus en plus, la gestion de la pêche contribue à un ensemble diversifié d’objectifs mondiaux, ce qui nécessite des mesures qui tiennent compte de la conservation de la biodiversité et des objectifs sociétaux, et qui adoptent une approche écosystémique plutôt qu’une approche traditionnelle axée sur une seule espèce et sur le rendement.
- Obligations internationales et nationales : les conseils scientifiques sont cruciaux pour étendre la gestion des pêches au-delà des simples approches basées sur le rendement. Le champ d’application de chaque demande doit donc détailler tous les engagements de haut niveau découlant des traités, cadres multilatéraux, lois sur la conservation, lois sur l’exploitation durable et autres obligations politiques et législatives applicables auxquelles la recommandation est censée contribuer. Par exemple, la recommandation scientifique est-elle destinée à contribuer à l’extension ou au renforcement des protections spatiales (telles que celles décrites dans l’objectif 3 du cadre mondial pour la biodiversité de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique) ou à la préservation d’espèces cibles et non cibles (comme le prévoit l’article 5 de l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poisson)6?
- Éléments phares : le champ d’application doit détailler précisément toutes les espèces, groupes écologiques et aspects écosystémiques à considérer dans les avis scientifiques. La spécificité et l’exhaustivité contribuent à garantir que les scientifiques concentrent leurs recherches sur ces éléments clés et que leurs recommandations ne seront pas mal interprétées, voire ignorées, par les gestionnaires. Cela est particulièrement important pour les demandes destinées à soutenir une approche de gestion écosystémique, car le fait de se concentrer sur une seule espèce cible sans référence (à ses prédateurs, par exemple) risque de produire des recommandations trop restreintes pour être utiles à la prise de décision au niveau de l’écosystème.
La définition d’un champ d’application écosystémique complet et détaillé peut se traduire par des demandes portant sur la manière de restaurer ou de maintenir les populations de plusieurs espèces (y compris celles non ciblées commercialement) ou sur la manière de préserver la santé des habitats marins. Un champ d’application écosystémique nécessite des enquêtes approfondies, par exemple en demandant aux scientifiques d’analyser le régime de gestion qui permettrait le mieux d’atteindre un objectif écologique dans un ensemble de bassins maritimes ou de quantifier les compromis entre préservation de la santé de l’habitat et maintien de pêcheries économiquement viables7.
Formulation : rédiger le cadre de référence
La dernière étape de l’élaboration d’une demande consiste à définir le contexte, les tâches spécifiques et les attentes des gestionnaires dans un document-cadre de référence. Le cadre de référence doit clairement exprimer l’intention et l’impulsion politique qui sous-tendent la demande afin d’aider les scientifiques à formuler des conseils utiles, à tester une série d’objectifs (y compris des compromis entre eux) et à inclure les paramètres et informations appropriés.
- Définition des objectifs : l’étape la plus importante de la rédaction du cadre de référence d’une demande consiste à se mettre d’accord sur les objectifs de gestion que les recommandations éclaireront. Ceux-ci peuvent découler de politiques ou de cadres existants, ou être entièrement nouveaux. La définition d’objectifs consensuels est également un prérequis essentiel à l’adoption d’une gestion écosystémique de la pêche, enpartie parce que l’ensemble des résultats souhaités dans le cadre d’une approche basée sur l’écosystème est beaucoup plus large que dans le cadre d’une gestion classique8. La gestion d’une espèce unique, par exemple, est guidée par des objectifs bien définis, tels que le rendement maximal durable, c’est-à-dire la quantité maximale de captures pouvant être prélevée sur un stock pendant une période indéterminée. Les cadres d’une gestion écosystémique, en revanche, tendent à fixer des objectifs moins spécifiques et permettent aux gestionnaires de poursuivre entre temps des objectifs intermédiaires. Par conséquent, pour demander des recommandations scientifiques susceptibles de soutenir efficacement une gestion écosystémique de la pêche, les gestionnaires doivent définir des objectifs mesurables pour les essais, modélisations et évaluations lors de l’élaboration d’un cadre de référence.
- Mesure des objectifs : afin de s’assurer que le cadre de référence est suffisamment précis pour produire des recommandations encourageant une gestion écosystémique de la pêche, le forum principal doit définir l’ensemble des indicateurs, paramètres et critères de performance sur la base desquels les scientifiques évalueront les objectifs de gestion. Cela peut impliquer une collaboration avec les scientifiques en vue de clarifier les indicateurs à évaluer, tels que les changements dans les niveaux de capture potentiels pour préserver la consommation d’espèces proies par les prédateurs ou la façon dont l’introduction de mesures spatio-temporelles pourrait modifier les schémas d’activité de pêche9. Pour les objectifs bien établis et les indicateurs associés, les gestionnaires doivent indiquer les valeurs ou les fourchettes à atteindre, comme le maintien d’une biomasse spécifique pour un stock ou la sélection de points de référence pour la mortalité par pêche.
- Plan de mise en œuvre : les gestionnaires doivent indiquer dans le cadre de référence comment la recommandation sera utilisée. Bien que les politiques ou les mesures de gestion ne puissent être entièrement conçues qu’après réception de la recommandation, les gestionnaires doivent néanmoins exposer, au moins dans les grandes lignes, les mesures qu’ils envisagent de mettre en œuvre et les conditions dans lesquelles ils le feront. Cette clarté contribuera à renforcer le soutien des parties prenantes et permettra de montrer en toute transparence par la suite si et comment la demande a influencé une mesure de gestion.
La vérification des objectifs au niveau des écosystèmes et de leurs indicateurs peut nécessiter des modèles informatiques qui simulent des états ou des scénarios futurs, et comparent diverses conditions écologiques et de gestion. Dans cette optique, les gestionnaires devraient tirer parti de l’utilisation croissante par les scientifiques d’informations et de modèles écosystémiques avec des outils de test d’objectifs tels que les évaluations des stratégies de gestion (un cadre décisionnel scientifique qui évalue la performance d’un plan de gestion dans le cadre d’une série de scénarios) et demander spécifiquement l’utilisation de ces outils dans le cadre de référence de la demande, le cas échéant10.
Liste de contrôle pour les demandeurs de recommandations
Les trois étapes de la demande de recommandation scientifique (préparation, lancement et formulation) aideront les gestionnaires de la pêche internationale à prendre des décisions fondées sur des données probantes, à faire preuve de responsabilité envers les parties prenantes et à passer à une gestion écosystémique de la pêche. La liste de contrôle suivante (Figure 1) aidera les responsables à faire de ces trois étapes leur pratique standard pour les demandes de recommandations scientifiques. Cette liste est largement applicable à tout processus de gestion des pêches internationales. Il est important de noter qu’en dépit de sa présentation linéaire, la liste de contrôle ne doit pas être interprétée comme une procédure rigide. Dans la pratique, les gestionnaires et les parties prenantes entreprendront ces actions dans des ordres différents, voire simultanément, en fonction de leurs besoins.
Le Tableau 1 présente également cinq études de cas récentes relatives à des demandes de recommandations scientifiques et les évalue par rapport à la liste de contrôle. Ces exemples comprennent une demande unilatérale de l’Union européenne et quatre demandes émanant d’organismes de gestion multilatéraux, dont trois sont des ORGP. Bien qu’aucun des exemples ne respecte parfaitement toutes les étapes de la liste de contrôle, la demande de feuille de route pour l’approche écosystémique de l’Organisation des pêches de l’Atlantique du Nord-Ouest (OPANO) et la demande unilatérale de l’UE concernant les habitats des fonds marins sont les plus solides, car elles intègrent toutes deux des objectifs clairs et un large champ d’application. En revanche, la demande de l’UE, de la Norvège et du Royaume-Uni concernant le hareng est celle qui respecte le moins d’étapes de la liste et qui tient le moins compte des obligations internationales. Elle offre par ailleurs peu de possibilités de participation des parties prenantes. Ces études de cas montrent qu’une application souple de la liste de contrôle peut aider les gestionnaires à optimiser n’importe quelle demande.
Bien que la liste de contrôle et les études de cas soient principalement pertinentes pour les demandes qui soutiennent explicitement la mise en œuvre d’une gestion écosystémique, elles sont applicables à toute demande de recommandation scientifique. Elles peuvent également aider les gestionnaires qui opèrent encore selon un modèle traditionnel à prendre davantage en considération les facteurs écosystémiques.
Figure 1
Liste de contrôle pour les demandes de recommandations scientifiques fondées sur les écosystèmes
Mesures clés pour préparer, lancer et formuler des demandes
Préparation : concevoir le processus de demande
- Forum principal : identifier ou créer un forum ou un mécanisme approprié pour superviser le processus dedemande, tel qu’un groupe de discussion entre scientifiques et gestionnaires, ou un organe consultatif axé sur les écosystèmes.
- Documentation ouverte : élaborer un système transparent d’enregistrement et de partage de la procédure de demande, y compris des modèles convenus et un protocole de diffusion.
- Liaison multilatérale : rechercher la participation de tous les États à la formulation de nouvelles demandes liées aux pêcheries partagées.
- Participation des parties prenantes : concevoir le processus d’élaboration de la demande de manière à inclure une contribution itérative et appropriée des parties prenantes.
Lancement : définir le champ d’application
- Obligations internationales et nationales : identifier tous les traités, lois et autres accords relatifs à la pêche, à la biodiversité et au développement durable en rapport avec la demande.
- Éléments phares : définir ce que la demande doit examiner, par exemple :
- une seule espèce ou un seul stock ;
- plusieurs espèces au sein d’un groupe écologique ;
- une ou plusieurs écorégions ;
- un ou plusieurs types d’habitats ;
- une seule pêcherie ;
- plusieurs pêcheries (c’est-à-dire des pêcheries qui ont des impacts similaires sur l’écosystème ou qui interagissent).
Formulation : rédiger le cadre de référence
- Définition des objectifs : définir les objectifs politiques ou les scénarios à tester, à modéliser et à évaluer, y compris des objectifs écologiques et socio-économiques autres que ceux concernant les espèces cibles.
- Mesure des objectifs : définir des indicateurs, des seuils et des cibles testables et acceptables pour les objectifs bien définis et les nouveaux.
- Plan de mise en œuvre : décrire comment la recommandation sera utilisée, y compris les conditions dans lesquelles elle déclenchera une mesure de gestion.
Table 1
Récentes demandes de recommandations scientifiques montrant l’intérêt et la souplesse des étapes clés
Processus pour cinq demandes et comparaison avec les mesures de la liste de contrôle
Étape mise en œuvre | Étape partiellement mise en œuvre | Étape non incluse | Étape sans objet |
Partie individuelle | Multilatéral | ORGP individuelles | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
Étape de la liste de contrôle | Demandes de l’Union européenne (UE) de 2016, 2017 et 2021 concernant les interactions entre les pêcheries démersales et les habitats des fonds marins | Demande de l’UE, du Royaume-Uni et de la Norvège en 2022 concernant le projet de plan de gestion à long terme du hareng frayant en automne dans la mer du Nordn | Commission des pêches de l’Atlantique du Nord-Est et Commission de la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est, demande de 2020 concernant le statut et la distribution des élasmobranches d’eau profonde | Commission des pêches pour le Pacifique occidental et central (WCPFC), demande de 2019 concernant la gestion multi-espèces (pêche mixte) pour les thons tropicaux et le germon du Pacifique Sud | Organisation des pêches de l’Atlantique du Nord-Ouest (OPANO), demandes de 2008, 2009 et 2017 concernant la feuille de route pour une approche écosystémique des pêches et de l’indice de capture totale | |
Préparation | Forum principal | Unilatéral | Le groupe de travail trilatéral a élaboré le cadre de référence et supervisé la demande | Lancé par un forum bilatéral informel | Lancé par l’intermédiaire du comité scientifique de la WCPFC et de la Commission | Lancé par les groupes de travail du comité scientifique de l’OPANO et la Commission |
Documentation ouverte | La documentation du groupe de travail montre l’historique complet de la prise de décision | Le projet de demande est annexé au dossier écrit, mais le processus n’est pas entièrement documenté | La demande est mentionnée dans les notes de réunion, mais le processus n’est pas entièrement documenté | La documentation de la réunion montre l’historique complet de la prise de décision à chaque étape et jusqu’à présent | La documentation de la réunion montre l’historique de la prise de décision | |
Liaison multilatérale | Unilatéral | Implique les trois parties au stock | Collaboration entre un organisme de gestion de la pêche et un organisme de conservation | Collaboration au sein des organismes régionaux de gestion de la pêche et entre eux | Collaboration entre les parties contractantes de l’OPANO | |
Participation des parties prenantes | Processus de contribution des parties prenantes clair et en plusieurs étapes | Pas de voie formelle pour la contribution des parties prenantes | Pas de voie formelle pour la contribution des parties prenantes | Contribution claire des parties prenantes et groupe de discussion naissant entre scientifiques et gestionnaires | Contribution des parties prenantes recueillie par le biais du programme d’observation | |
Lancement | Obligations internationales et nationales | Basée sur la législation de l’UE en matière de conservation du milieu marin, la Directive-cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM), mais ne prend en compte que l’exploitation durable | S’appuie sur les engagements pris au niveau trilatéral en matière d’exploitation durable, mais n’intègre pas d’autres cadres | Essentiellement une demande de collecte d’informations, qui s’appuie sur les engagements pris par deux organismes | Texte de la convention de la WCPFC et UNFSA — stocks de poissons durables | Texte de la convention de l’OPANO et feuille de route pour une approche écosystémique de la pêche |
Éléments phares | Englobe toutes les eaux intérieures de l’UE et les types d’habitats spécifiques | Ne couvre qu’un seul stock malgré les interactions connues avec d’autres, néglige le rôle en tant qu’espèce proie | S’applique à plusieurs régions écologiques et à l’ensemble de la guilde écologique | Champ d’application étendu à plusieurs espèces et pêcheries commercialement ciblées | S’applique à plusieurs écorégions, à plusieurs espèces/guildes ciblées commercialement et à plusieurs pêcheries | |
Formulation | Définition des objectifs | Demandes visant à tester des scénarios qui optimisent les différents objectifs de conservation (préserver l’intégrité des fonds marins) et d’exploitation (maximiser le rendement) | Teste un objectif clair portant sur une seule espèce, mais n’en évalue pas de nouveaux ou ne le compare pas à d’autres objectifs existants | N’indique pas d’objectifs spécifiques ou de pertinence par rapport aux objectifs définis dans les plans stratégiques ou les mandats de l’un des organismes | Demandes visant à tester des scénarios qui optimisent les rendements durables et garantissent une approche de précaution dans les pêcheries mixtes (plusieurs espèces) | Demande visant à assurer la durabilité de l’exploitation des pêcheries du point de vue de l’écosystème (niveau 1), de plusieurs espèces (niveau 2) et d’espèces individuelles (niveau 3), et à gérer les effets de la pêche sur d’autres éléments de l’écosystème (par exemple, les habitats) |
Mesure des objectifs | Sous-processus dans la demande pour créer des seuils pour les variables clés (par exemple, la sensibilité) | Définit des paramètres clairs pour l’objectif d’une espèce unique et les scénarios de gestion | Spécifie les informations requises | Le processus de création d’indicateurs et de seuils existe au sein de la WCPFC, mais il n’est pas encore achevé | Processus de création d’un indice de capture totale pouvant être utilisé pour plafonner les captures total es de l’écosystème et des guildes de poissons (niveaux 1 et 2) | |
Plan de mise en œuvre | Indique seulement que la recommandation sera utilisée pour informer les rapports sur les indicateurs de la DCSMM ; aucune déclaration claire sur les futures mesures de gestion possibles | Fixe un délai pour la révision de la gestion, mais ne définit pas de mesure de gestion future spécifique | Définit les options de gestion, mais ne fait pas référence à la manière dont les recommandations seront utilisées | Le plan d’action présente une mesure de gestion claire (procédure de gestion) | La feuille de route prévoit des dates de mise en œuvre pour des mesures de gestion spécifiques (utilisation d’un modèle de production écosystémique et de nouveaux points de référence pour les captures) |
Sources : CIEM, « EU Request for Guidance on How Pressure Maps of Fishing Intensity Contribute to an Assessment of the State of Seabed Habitats » (2016) ; CIEM, « EU Request on Indicators of the Pressure and Impact of Bottom-Contacting Fishing Gear on the Seabed, and of Trade-Offs in the Catch and the Value of Landings » (2017) ; CIEM, « EU Request on How Management Scenarios to Reduce Mobile Bottom Fishing Disturbance on Seafloor Habitats Affects Fisheries Landing and Value » (2021) ; « Agreed Record of Fisheries Consultations Between the European Union, Norway and the United Kingdom » (2023) ; CIEM, « NEAFC and OSPAR Joint Request on the Status and Distribution of DeepWater Elasmobranchs » (2020) ; M. Koen-Alonso et al., « Review and Assessment of the Ecosystem Production Potential (EPP) Model Structure, Sensitivity, and Its Use for Fisheries Advice in NAFO » (2022) ; Comité scientifique de la Commission pour la conservation et la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans l’océan Pacifique occidental et central, « Fifteenth Regular Session of the Scientific Committee » (Commission pour la conservation et la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans l’océan Pacifique occidental et central, 2019) |
Conclusion
La gestion des pêches dépend de recommandations scientifiques solides, demandées par des décideurs informés qui appliquent ces recommandations lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique. Bien que cette interaction entre science et gestion soit relativement bien établie pour les approches propres à une seule espèce, la transition vers la gestion écosystémique de la pêche nécessite des recommandations plus étendues, car on attend de plus en plus des gestionnaires qu’ils atteignent non seulement l’exploitation durable, mais aussi les objectifs de conservation.
Pour améliorer la fourniture de recommandations scientifiques fondées sur les écosystèmes, les gestionnaires doivent se montrer plus inclusifs, ambitieux et spécifiques dans leurs demandes. Ils doivent pour cela inclure systématiquement les parties prenantes dans les processus, formuler des demandes ayant une portée globale et poser des questions axées sur les objectifs et la gestion. Dans les régions qui disposent déjà d’une base scientifique solide pour la prise de décision fondée sur l’écosystème, des demandes plus efficaces contribueront à garantir que la pêche se situe dans des limites écologiques sûres et demeure durable dans le temps.
Notes
- L’accord des Nations Unies sur les stocks de poissons (UNFSA) de 1995 jette les bases d’une gestion de la pêche fondée sur les écosystèmes. Plus récemment, le Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal de 2022 et le traité des Nations Unies sur la haute mer exigent tous deux des gestionnaires de la pêche qu’ils adoptent une approche écosystémique pour toute exploitation d’espèces sauvages. Voir : Division des affaires maritimes et du droit de la mer, « United Nations Fish Stocks Agreement Overview », Nations Unies, https://www.un.org/depts/los/convention_agreements/convention_overview_fish_stocks.htm ; Convention sur la diversité biologique, « Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal » (2022), https://www.cbd.int/doc/decisions/cop-15/cop-15-dec-04-fr.pdf ; Nations Unies, « Accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale » (2023), https://undocs.org/Home/Mobile?FinalSymbol=a%2Fconf.232%2F2023%2F4&Language=E&DeviceType=Desktop&LangRequested=False.
- The Pew Charitable Trusts, « To Strengthen Fishery Management, RFMOs Should Use Science-Management Dialogue Groups » (2022), https://www.pewtrusts.org/-/media/assets/2022/05/fisherymanagement_brief_v5.pdf.
- M. Koen-Alonso et al., « The Northwest Atlantic Fisheries Organization Roadmap for the Development and Implementation of an Ecosystem Approach to Fisheries: Structure, State of Development, and Challenges », Marine Policy 100 (2019) : 342-52, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308597X18305694 ; M.J. Juan-Jordá et al., « A Template for an Indicator-Based Ecosystem Report Card for ICCAT » (Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, 2018), https://www.iccat.int/Documents/CVSP/CV074_2017/n_7/CV074073639.pdf ; D. Agnew, « Review—the CCAMLR Ecosystem Monitoring Programme », Antarctic Science 9, no. 3 (1997) :235-42, https://doi.org/10.1017/S095410209700031X.
- M. Ballesteros et M. Dickey-Collas, « Managing Participation Across Boundaries: A Typology for Stakeholder Engagement in the International Council for the Exploration of the Sea », Marine Policy 147 (2023), https://doi.org/10.1016/j.marpol.2022.105389.
- D.R. Goethel et al., « Oceans of Plenty? Challenges, Advancements, and Future Directions for the Provision of Evidence-Based Fisheries Management Advice », Reviews in Fish Biology and Fisheries 33 (2023) : 375-410, https://doi.org/10.1007/s11160-022-09726-7.
- Convention sur la diversité biologique, « Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal » ; Division des affaires maritimes et du droit de la mer, « United Nations Fish Stocks Agreement Overview ».
- J.W Bentley et al., « Combining Scientific and Fishers’ Knowledge to Co-Create Indicators of Food Web Structure and Function », ICES Journal of Marine Science 76, no. 7 (2019) : 2218-34, https://doi.org/10.1093/icesjms/fsz121 ; ICES, « EU Request on Indicators of the Pressure and Impact of Bottom-Contacting Fishing Gear on the Seabed, and of Trade-Offs in the Catch and the Value of Landings » (2017), https://doi.org/10.17895/ices.advice.5657.
- R. Hilborn, « Future Directions in Ecosystem Based Fisheries Management: A Personal Perspective », Fisheries Research 108, no. 2-3 (2011) : 235-39, https://doi.org/10.1016/j.fishres.2010.12.030.
- Les mesures spatiales et temporelles peuvent comprendre, par exemple, des restrictions saisonnières sur la capture des espèces, des fermetures temporaires ou permanentes de zones d’une importance écologique particulière ou d’autres dispositions visant à contrôler les captures d’individus de tailles spécifiques.
- E.A. Fulton et al., « An Integrated Approach Is Needed for Ecosystem Based Fisheries Management: Insights From Ecosystem-Level Management Strategy Evaluation », PLoS One 9, no. 1 (2014), https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0084242 ; J.K. Craig et J.S. Link, « It Is Past Time to Use Ecosystem Models Tactically to Support Ecosystem-Based Fisheries Management: Case Studies Using Ecopath With Ecosim in an Operational Management Context », Fish and Fisheries 24, no. 3 (2023) : 381-406, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/faf.12733 ; M.G. Pennino et al., « New Approaches to Old Problems: How to Introduce Ecosystem Information Into Modern Fisheries Management Advice », Hydrobiologia 850 (2023) : 1251-60, https://doi.org/10.1007/s10750-022-05083-5 ; M.A. Karp et al., « Increasing the Uptake of Multispecies Models in Fisheries Management », ICES Journal of Marine Science 80, no. 2 (2023) : 243-57, https:// doi.org/10.1093/icesjms/fsad001 ; Q.C. Huynh, T. Carruthers et N.G. Taylor, « Ecotest, a Proof of Concept for Evaluating Ecological Indicators in Multispecies Fisheries, With the Atlantic Longline Fishery Case Study », ICCAT Collective Volume of Scientific Papers 79, no. 5 (2022) : 165-77,https://www.bmis-bycatch.org/index.php/system/files/zotero_attachments/library_1/8H9WQ3ZL%20-%20Huynh%20et%20al.%20-%20ECOTEST%2C%20A%20PROOF%20OF%20CONCEPT%20FOR%20EVALUATING%20ECOLOGI.pdf.