Comment mettre fin à la pêche illégale ?

Dans les eaux côtières comme en haute mer, des malfaiteurs pillent les océans et nuisent aux économies

Illegal fishing
© Linh Nguyen/Unsplash

Résumé

Chaque fois que nous achetons du poisson sauvage, que ce soit dans un restaurant, chez le poissonnier ou au marché, il y a une chance sur cinq qu’il provienne de la pêche illégale. À l’échelle mondiale, la pêche illicite et non déclarée représente annuellement 26 millions de tonnes métriques de poisson, pour une valeur de 23,5 milliards de dollars US. Cela équivaut à plus de 816 kg de poisson sauvage volé en mer chaque seconde. Près de 90 % des stocks du monde entier étant exploités au maximum de leur capacité ou en surexploitation, il est aujourd’hui plus crucial que jamais de prendre des mesures contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN).

Les pêcheurs illicites volent des collectivités côtières qui dépendent de populations saines de poissons pour leur subsistance, ils trompent les consommateurs qui pensent acheter du poisson provenant de filières licites, ils biaisent les études scientifiques, car elles nécessitent une évaluation précise des stocks, et ils nuisent aux pêcheurs qui respectent les règlementations. La pêche illicite entraîne de graves conséquences pouvant aller jusqu’à l’effondrement des stocks sur plusieurs générations.

Les gouvernements et les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) ont mis en place des règlementations et des systèmes de surveillance pour lutter contre la pêche INN, mais ces mesures s’avèrent insuffisantes étant donné l’importance de ce problème mondial. Faire face à un problème aussi étendu et complexe que celui de la pêche illégale nécessite un système mondial de répression.

Les défis de la lutte contre la pêche illégale

L’océan étant vaste, y détecter les activités de pêche illégale et faire appliquer les lois criminalisant ces activités reste un défi important. Nombre de pays ne disposent pas des ressources suffisantes pour réaliser des patrouilles en mer et exercer une surveillance à distance, rendant une grande partie de leur zone économique exclusive (ZEE) de 200 milles marins vulnérable aux exploitants illégaux. En outre, de nombreux pays ne disposent pas de règlementations, de systèmes de surveillance ou de services inspection dans les ports qui soient suffisants.

Dans leur course au profit et aux sources de protéines, de nombreux pêcheurs des pays développés n’hésitent pas à naviguer toujours plus loin des côtes de leur pays. Les exploitants les moins scrupuleux de ces navires hauturiers s’aventurent dans les ZEE des États côtiers qui ne disposent pas de patrouilles suffisantes ou en haute mer. Les zones situées en dehors des eaux territoriales demeurent faciles à exploiter, même lorsque les ORGP ont mis en place des politiques de pêche. Seuls les pays membres d’une ORGP sont soumis à ses règles, et les navires immatriculés ou battant pavillon dans des pays qui n’en sont pas membres demeurent hors de la juridiction d’une ORGP. Par exemple, si les propriétaires de navires battant pavillon d’un pays membre ne souhaitent pas respecter le quota fixé par une ORGP, ils peuvent choisir de battre pavillon dans un État non membre à la place pour éviter d’être soumis à cette obligation. Au final, les États du pavillon ont autorité sur les navires qu’ils immatriculent et ils sont libres de répondre, ou non, aux préoccupations d’une ORGP. Malheureusement, nombre d’États du pavillon se dérobent à leurs engagements. La mauvaise communication entre les États du pavillon, les États du port, les États côtiers et les organismes de gestion des pêches sape également les efforts d’application des lois.

En l’absence d’une autorité disposant des ressources et du mandat lui permettant de maintenir l’ordre sur tous les océans de la planète – ou d’un système mondial de localisation et d’identification des navires – les pêcheurs jouissent d’une liberté d’action quasi totale. En outre, les avancées technologiques font que les chalutiers et autres navires de pêche autrefois limités par la géographie peuvent désormais accéder aux zones maritimes les plus reculées. Aujourd’hui, les navires sont également plus grands et plus nombreux et les méthodes de pêche, plus efficaces.

En d’autres termes, trop de navires capturent moins de poissons, et trop de propriétaires et d’exploitants de navires – et de pays qui les immatriculent – ne respectent pas les règles établies pour veiller à ce que les pêches soient durables. Mettre fin à la pêche illégale nécessitera des efforts ajustables, permanents et coordonnés à grande échelle et sur le long terme.

La méthode de Pew

Conscient des menaces grandissantes qui pèsent sur nos océans et sur la vie marine qu’ils abritent, The Pew Charitable Trusts a élaboré un programme international de conservation visant à assurer une exploitation durable des océans sur des générations. La lutte contre la pêche illégale est une composante importante de ce programme.

Notre projet de lutte contre la pêche illégale consiste à établir une collaboration internationale afin de créer un mécanisme mondial d’application des lois sur la pêche qui permettra de réduire de manière importante la pêche INN. Ces travaux portent avant tout sur la pêche industrielle, la coopération entre les partenaires clés du changement et de la mise en œuvre des politiques, l’obligation de vigilance de la part des acheteurs de produits de la mer et la nécessité de veiller à ce que les autorités disposent des outils nécessaires pour lutter contre cette activité. Notre objectif est de mettre en place un système mondial rentable qui permettrait d’identifier, de surveiller, de dissuader et de poursuivre en justice les exploitants qui pêchent illégalement et tous ceux qui tirent profit de la pêche illégale et la soutiennent.

Ce système répressif permettrait aux responsables des pêches, même à ceux disposant de ressources très limitées, d’accéder à des informations claires, à jour et exploitables. Ainsi, les responsables pourraient accéder aux données qui leur permettraient de déterminer s’il faut autoriser ou interdire l’accès à un port à un navire ou, si nécessaire, s’il convient d’engager des poursuites pour infraction contre ses propriétaires. Pour être efficace, le système doit être évolutif et souple. Il doit également obtenir le soutien des autorités nationales, fournir aux acheteurs de produits de la mer suffisamment d’informations pour qu’ils puissent avoir la certitude qu’ils n’achètent pas de poisson issu de la pêche INN et être suffisamment transparent pour faciliter l’identification des hors-la-loi.

Réaliser tout ceci nécessitera :

  • un système international harmonisé d’identification et de suivi des navires de pêche et de leur historique de pêche ;
  • un partage des informations transparent, en temps quasi réel et fiable entre les États du port, les États du pavillon et les États côtiers ;
  • une volonté politique ;
  • un personnel de répression dûment formé, capable d’agir et prêt à passer à l’action ;
  • des États prêts à assumer leurs responsabilités vis-à-vis des navires battant leur pavillon et un mécanisme permettant d’évaluer leur conformité ;
  • des politiques nationales et internationales efficaces et dotées de cadres juridiques adéquats permettant leur application ;
  • une mise en œuvre efficace de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port (MREP) visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée1 pour empêcher l’entrée dans les ports de poisson issu de la pêche illégale ;
  • l’assurance que les marchés des produits de la mer tiendront les vendeurs responsables de la mise en œuvre des politiques visant à mettre fin à la pêche INN ; et
  • une réglementation stricte des activités de transbordement en haute mer et dans les ports.

Objectifs

Lutter efficacement contre la pêche INN nécessite de faire preuve de souplesse pour s’adapter aux stratégies changeantes des exploitants illégaux. Ceux qui s’engagent à lutter contre ce fléau doivent être prêts à rectifier le tir lorsque la donne change, mais chacune des mesures suivantes est nécessaire pour faire face au problème partout dans le monde.

Rendre les navires et leur position géographique facilement identifiables

Exiger que tous les bateaux qui naviguent hors des eaux territoriales soient identifiés par un numéro unique et soient équipés d’un transpondeur satellite. Cette mesure accélèrera l’identification et le suivi des navires et permettra aux autorités de repérer concrètement les contrevenants.

Fermer la porte à la pêche illégale

Veiller à ce que les pays mettent en place les mesures de contrôle de l’État du port conformément à l’accord relatif aux MREP. Ce traité international, le premier à cibler la pêche INN, exige des navires commerciaux battant pavillon étranger et participant à des activités liées à la pêche qu’ils signalent suffisamment à l’avance leur intention d’entrer dans un port, et permet aux autorités portuaires de refuser l’accès aux services portuaires et d’inspecter les navires soupçonnés de pratiquer la pêche illégale. L’accord aide considérablement à renforcer et harmoniser les mesures du ressort de l’État du port et à faire en sorte que les ports empêchent les produits de la mer capturés illégalement d’entrer dans la chaîne d’approvisionnement.

Mobiliser et harmoniser le secteur des produits de la mer

Veiller à ce que les acheteurs de produits de la mer aient accès aux informations dont ils ont besoin pour empêcher l’entrée des poissons issus de la pêche illégale sur le marché international. Encourager les détaillants, les grossistes et les transformateurs internationaux des produits de la mer à modifier leurs politiques d’approvisionnement et leurs pratiques d’achat afin de mieux vérifier l’origine de leurs produits et s’assurer qu’ils proviennent de la pêche légale. La technologie joue ici un rôle clé, car elle permet aux acheteurs d’auditer leurs propres chaînes d’approvisionnement.

Évaluer la conformité à l’aide d’instruments internationaux

Développer un outil permettant de mesurer et d’évaluer l’adoption et la mise en œuvre par les États du pavillon des principaux instruments internationaux conçus pour éliminer la pêche INN. Les pays et les chaînes d’approvisionnement pourront ainsi accéder à des informations utiles sur les domaines à améliorer et sur les États qui fuient leurs responsabilités.

Augmenter les capacités de régulation par le biais de projets pilotes régionaux

Créer un modèle reproductible partout dans le monde ayant pour finalité d’améliorer l’application des lois sur les pêches. Avec l’appui de Pew, des pays d’Afrique de l’Est ont créé FISH-i Africa, une initiative visant à améliorer le partage d’informations, la formation et l’application des lois. Ce partenariat a entraîné un refus de débarquement de poisson dans de nombreux ports et des amendes totalisant des millions de dollars. Forte de la réussite de ce projet, Pew tente actuellement d’élargir le concept à d’autres régions et États du pavillon dont les flottes hauturières naviguent dans les eaux des États membres de FISH-i Africa.

Tirer parti des technologies et des données sur la pêche

Créer des plateformes technologiques de pointe combinant jeux et sources de données, y compris des données de télédétection obtenues par satellite et des algorithmes d’apprentissage automatique qui sont examinés par des analystes experts de la pêche. Rendre les plateformes accessibles par tous les pays et toutes les chaînes d’approvisionnement facilitera l’identification, la surveillance et la répression de la pêche INN, ainsi que les poursuites en justice.

Évaluer le rôle du transbordement

Comprendre l’étendue du transbordement, surtout celui qui se déroule en mer, ainsi que ses liens avec la pêche illégale, et mettre au point des pratiques exemplaires faisant en sorte que le transbordement ne permette pas de blanchir les captures illicites en les introduisant dans les filières d’approvisionnement licites.

Pratique courante dans le secteur de la pêche, le transbordement consiste à transférer les captures d’un navire de pêche dans un navire frigorifique qui se chargera de les transporter jusqu’à un port éloigné. Ces transactions, qui peuvent avoir lieu au port ou en mer, ne font pas l’objet d’une surveillance aussi étroite que celles réalisées par un navire de pêche qui débarque ses captures sur la terre ferme. C’est un maillon faible de la chaîne d’approvisionnement qui peut empêcher le suivi et la régulation justes du transport des poissons depuis leur capture en mer jusqu’au débarquement au port.

Mettre au point de nouvelles techniques pour mesurer les conséquences de la pêche INN à l’échelle mondiale

Identifier des sources de données et une méthodologie permettant d’établir un point de comparaison pour la pêche INN et l’évaluer régulièrement au niveau national et international.

Atteindre ces objectifs

Les outils de régulation permettant d’éradiquer la pêche INN existent et sont continuellement améliorés. Toutefois, il est important qu’ils soient soutenus par des lois et des politiques adéquates au niveau national, régional et international ; que les autorités restent sur le qui-vive ; et que des stratégies soient élaborées pour faire en sorte que le secteur de la pêche soit durable et responsable partout dans le monde.

Illegal fishing

Un garde-côte sud-coréen a accusé deux navires chinois de pêche illégale dans les eaux de la Corée du Sud. La coque de ces deux navires ne semble présenter aucun numéro OMI.

© Yonhap/EPA/Redux

Politique

Exiger que tous les navires de pêche possèdent un numéro d’identification unique

Identifier les navires est une manière simple et efficace d’améliorer la transparence dans le secteur de la pêche industrielle. Tous les navires de 12 mètres de long ou plus autorisés à pêcher hors des eaux sous juridiction nationale devraient posséder un numéro d’identification unique et être équipés d’un système de suivi international. Ceci devrait empêcher les navires soupçonnés de pratiquer la pêche illicite de se soustraire à la détection, que ce soit en changeant d’identité ou en disparaissant des écrans radars.

À cet égard, le système de numérotation des navires de l’Organisation maritime internationale (OMI), ou le numéro OMI, est la référence absolue en la matière. Ce numéro est attribué à chaque navire lors de sa construction et lui sert d’identifiant jusqu’à sa mise au rebut. Les numéros OMI peuvent aussi être attribués aux navires admissibles après leur construction. Ces identifiants, qui s’apparentent aux numéros de série des véhicules automobiles, sont obligatoires pour les cargos et les navires de transport de voyageurs excédant une certaine taille. Toutefois, rien n’oblige les navires de pêche à porter un numéro OMI.

Autre moyen de surveiller les navires de pêche : utiliser un système de surveillance des navires (VMS) ou un système d’identification automatique (AIS), deux technologies de surveillance disponibles partout dans le monde. Le VMS est un système sécurisé souvent imposé par les États du pavillon et les ORGP aux fins du suivi des navires de pêche. Quant à l’AIS, les autorités de contrôle et le grand public y ont tous deux accès. Ce système, qui permet de connaître la position des navires soumis aux règles de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, est obligatoire sur les navires hauturiers de plus de 300 tonnes brutes. Si l’AIS n’est pas obligatoire sur les navires de pêche, de nombreux États du pavillon choisissent de l’imposer à leurs flottes comme moyen de surveillance complémentaire.

La présence de numéros OMI obligatoires et de systèmes de suivi internationaux aiderait les autorités et les gestionnaires des pêches à surveiller les activités des navires en mer et dans les ports, permettrait aux États du pavillon de gérer correctement les navires sous leur autorité, aiderait les autorités nationales à surveiller leurs eaux plus efficacement, apporterait clarté et cohérence aux dossiers des ORGP et aiderait les autorités à accepter uniquement des captures légales. En outre, l’obligation de doter les navires de pêche de numéros OMI et de systèmes de suivi internationaux permettrait de mettre en place des normes plus strictes au niveau de la chaîne d’approvisionnement du secteur de la pêche à un moment où la demande de transparence et de responsabilisation n’a jamais été aussi forte de la part des consommateurs.

C’est dans ce but que Pew souhaite que des modifications soient apportées à l’Accord du Cap, un traité OMI qui établit des normes sur la conception, la construction et l’équipement (notamment les dispositifs de sécurité) des navires de pêche d’une longueur égale ou supérieure à 24 mètres pêchant en haute mer. Ce traité comprend des dispositions portant sur la protection de l’équipage et des observateurs à bord, ainsi que sur la tenue d’inspections portuaires harmonisées au sein des administrations maritimes, de la pêche et du travail.

Cependant, l’accord n’étant pas encore entré en vigueur, il ne peut être modifié. Il prendra effet à partir du moment où 22 États totalisant 3 600 navires de pêche admissibles accepteront d’y être liés.

Améliorer l’efficacité de la mise en œuvre des mesures du ressort de l’État du port

Les ports de débarquement faisant preuve de laxisme ou très peu enclins à procéder à des inspections ont toujours été un point faible dans la lutte mondiale contre la pêche INN, mais les choses sont en train de changer. Avec l’adoption de l’accord relatif aux MREP lors de la Conférence des parties de la FAO des Nations unies en novembre 2009 et son entrée en vigueur en juin 2016, les parties se sont engagées à renforcer les contrôles portuaires sur les navires commerciaux battant pavillon étranger. L’accord relatif aux MREP promeut une pêche durable en exigeant de l’équipage qu’il travaille en conformité avec les lois s’il souhaite accéder aux services portuaires, ce qui permet d’éviter l’entrée de captures INN sur les marchés internationaux. Il aide également à rentabiliser la gestion des pêches et l’application des lois sur les pêches, il améliore la transparence et le partage d’informations entre les autorités chargées des pêches et il aide les États à améliorer la surveillance et à appliquer les lois.

Il est également essentiel de travailler à la mise en œuvre de cet accord. Pew aide les parties à respecter les dispositions de l’accord, à commencer par l’identification des ports dans lesquels l’accord relatif aux MREP entraînerait les répercussions les plus importantes. Les parties collaborent entre elles et avec les organisations gouvernementales et non gouvernementales internationales afin de combler les lacunes au niveau juridique, institutionnel et opérationnel qui empêchent la pleine application du traité. Elles s’efforcent notamment d’aligner les législations nationales avec les dispositions de l’accord relatif aux MREP et de mettre en place des mécanismes institutionnels qui permettent de prendre des mesures de suivi et d’imposer des sanctions lorsque des pratiques de pêche INN sont détectées. Les parties travaillent également à faciliter les contrôles portuaires communs, à établir des normes pour l’inspection portuaire, à former les inspecteurs portuaires et à encourager les échanges d’informations aux niveaux national, bilatéral et régional.

Évaluer le rôle du transbordement

L’étendue du transbordement et son lien avec la pêche illégale sont mal compris, et donc mal quantifiés. Pour cette raison, Pew travaille à recueillir et analyser les données qui lui permettront de cerner les points communs qui encouragent cette pratique. Pew étudie aussi le réseau de fournisseurs, exploitants, transformateurs, distributeurs, négociants, clients et organismes gouvernementaux associés aux différentes étapes du transbordement. Les résultats aideront à mieux comprendre le rôle du transbordement dans les activités de pêche INN et serviront à élaborer des recommandations visant à améliorer la surveillance et la vérification des navires et des captures et à dissuader la poursuite de ces activités illicites.

Pew se basera sur les résultats pour créer une liste de pratiques exemplaires visant à faire en sorte que les transbordements s’effectuent en toute légalité et puissent être vérifiés.

Évaluer le respect de l’État du pavillon envers ses engagements

L’État du pavillon d’un navire est l’État qui l’a immatriculé. À ce titre, il est responsable des activités de ses navires de pêche dans les domaines technique, social et administratif. Toutefois, il est difficile de déterminer dans quelle mesure les États du pavillon respectent les règles et réglementations auxquelles ils ont accepté de se conformer.

Pour relever ce défi, Pew mettra au point un outil d’évaluation de la performance des États du pavillon qui permettra de mesurer la conformité d’un État avec les politiques et lois internationales en matière de pêche INN, notamment celles relatives aux navires de pêche qu’ils immatriculent, ainsi que son application des mesures de conservation et de gestion des pêches. Les États du pavillon, de marché et côtiers, les ORGP, le secteur des produits de la mer, les auditeurs/évaluateurs et d’autres parties pourraient accéder à cet outil et ainsi réaliser des évaluations et un audit complet d’États du pavillon spécifiques de façon continue et régulière.

Mettre au point de nouvelles techniques pour mesurer les conséquences de la pêche INN à l’échelle mondiale

Comme il n’existe aucune méthode reproductible permettant de déterminer l’ensemble des conséquences de la pêche INN à l’échelle mondiale, il est difficile d’identifier des priorités en matière d’application de la loi et d’évaluer l’efficacité réelle des politiques actuelles. La mise sur pied d’une méthodologie commune permettant d’évaluer la pêche INN au niveau mondial et régional rapprocherait Pew de son objectif de créer un système durable pouvant mettre fin à la pêche illégale. Cette méthodologie commune constituerait un moyen crédible de surveiller l’évolution des activités de pêche INN, notamment leur augmentation ou leur déclin, dans le monde entier ou une région en particulier. Elle constituerait également un outil important utilisable dans l’ensemble du secteur de la pêche pour mesurer la pêche INN.

Pew s’efforce actuellement d’identifier des sources de données accessibles et fiables et de déterminer de quelle façon elles pourraient être utilisées pour établir un point de comparaison qui reflète l’état actuel de la pêche INN à travers le monde. Obtenir de toutes les parties crédibles qu’elles s’entendent quant à ce point de comparaison permettrait aux organisations internationales – dont la FAO, Interpol, les pays, les détaillants et le secteur des produits de la mer dans son ensemble, ainsi que Pew et d’autres ONG – de suivre et d’évaluer les progrès accomplis pour éradiquer la pêche INN.

Mobilisation du marché

Le rôle des marchés des produits de la mer

Les produits de la mer, qu’ils soient d’élevage ou de sources sauvages, sont la denrée alimentaire la plus précieuse au monde, représentant près de 150 milliards de dollars US2 du commerce mondial annuel, une somme en hausse constante de 8 % par an depuis 1976.

Une étude récente3 , réalisée par le Stockholm Resilience Centre, a estimé que près de 40 % du commerce des plus grands et plus précieux stocks de produits de la mer est sous le contrôle de seulement 13 grandes entreprises. Il est donc évident que le fait de réduire le volume de produits de la mer présents illégalement dans la chaîne d’approvisionnement pourrait se traduire par une baisse considérable de la pêche INN. En substance, si le marché rejette le poisson provenant de sources illégales, les criminels ne pourront plus le vendre, ce qui les contraindra à pêcher dans les règles ou à renoncer.

Pew travaille avec les entreprises du secteur à empêcher les produits de la mer pêchés illégalement d’entrer dans la chaîne d’approvisionnement. En mobilisant les détaillants, les transformateurs et l’industrie alimentaire, nous espérons que ces entreprises parviendront à un consensus pour que les captures illicites ne soient plus proposées au consommateur.

Répression

Renforcement des mesures de répression contre le crime halieutique

Traditionnellement, les mesures de conservation des pêcheries et de répression en mer incombaient principalement aux agences directement responsables de ces activités. Ces entités manquent d’argent et sont insuffisamment pourvues en personnel et en ressources. Malgré plusieurs décennies d’efforts et la création d’instruments régionaux et internationaux qui appuient les mesures de suivi, de contrôle et de surveillance efficaces, la pêche illégale se poursuit à travers le monde. Dans nombre de pays, cette situation est le reflet d’un manque de volonté politique et de fonds et de l’absence d’une véritable coordination interinstitutions.

La pêche INN n’est pas la seule activité qui a prospéré dans ce contexte. De nombreuses sources, dont un rapport demandé par Pew au Royal United Services Institute de Londres, le plus ancien think tank britannique spécialisé dans les questions de défense, ont déterminé qu’en plus de miner la gestion des pêcheries, la pêche INN représente un risque pour la sécurité4. D’après l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, la pêche illégale est liée à un grand nombre d’activités illicites, y compris le trafic d’êtres humains (comme le travail forcé sur les navires de pêche) et la contrebande d’armes et de drogues5 .

Pour faire face à ce problème, les pays côtiers et les États insulaires devraient mettre la protection des pêcheries sur un pied d’égalité avec d’autres intérêts nationaux stratégiques. Cela encouragerait certainement le développement de nouvelles ressources opérationnelles et une meilleure coopération interinstitutions afin de remplir les obligations aux termes des règlements internationaux sur les pêches – tels l’accord relatif aux MREP, la délivrance de numéros d’identification OMI et les mesures de conservation et de gestion des ORGP – contraignant les États du pavillon à agir de manière responsable.

Dans le cadre de nos efforts de lutte contre la pêche illégale, nous continuerons d’aider les nations à améliorer leurs initiatives en matière de suivi, de contrôle et de surveillance. Nous chercherons à accroître la collaboration et le partage d’informations entre les responsables gouvernementaux et les autorités chargées de l’application du droit en mer, en particulier les forces navales et les garde-côtes des pays côtiers et des États insulaires où la pêche illégale est la plus répandue.

Cibler les points sensibles de la pêche illégale

Où qu’elle ait lieu, la pêche illicite est problématique, mais elle affecte davantage les États côtiers qui disposent de ressources ou de capacités limitées pour y faire face. Ces pays ont besoin d’un modèle de répression qui leur permette de prendre des mesures efficaces, sans conséquence financière importante sur le long terme. C’est l’objectif du projet FISH-i Africa. Conçu pour être reproduit dans d’autres régions où les conditions sont sensiblement les mêmes, le modèle a été testé en conditions réelles. Lancé en décembre 2012 avec l’appui de Pew, FISH-i Africa est un partenariat entre huit pays d’Afrique – les Comores, le Kenya, Madagascar, Maurice, le Mozambique, les Seychelles, la Somalie et la Tanzanie – qui souhaitent encourager les échanges d’informations et la coordination des interventions face aux navires soupçonnés de pêche illicite dans leurs eaux.

Illegal fishing

Les experts-analystes fournissent des analyses spécialisées et communiquent les données sur l’activité des navires aux secteurs public et privé.

© The Pew Charitable Trusts

L’océan Indien occidental est l’une des zones sensibles de la planète pour la pêche INN, et les autorités régionales, les organisations du secteur de la pêche et les ONG ont affirmé leur détermination à y faire face. Quelques semaines seulement après son lancement, FISH-i Africa portait déjà ses fruits. Les échanges d’informations entre plusieurs pays partenaires ont débouché sur un refus de délivrance de permis de pêche et d’accès au port pour le Premier, un navire de pêche au thon sud-coréen sur lequel pèsent de forts soupçons de pêche illégale au large des côtes de l’océan Indien et de l’océan Atlantique en Afrique.

Alors que le projet se poursuit, Pew va collaborer avec les pays partenaires pour favoriser l’engagement aux plus hauts niveaux, encourager le partage de données et les formations sur l’application de la loi et déployer des outils techniques, y compris des bases de données de navires et des logiciels de surveillance, afin de dresser un portrait plus juste de la pêche illégale. Pew s’efforcera également de transposer les expériences réussies de FISH-i Africa à d’autres régions du monde.

Technologie

Technologies de pointe et données sur la pêche

Jusqu’à présent, la lutte contre la pêche illégale reposait sur des patrouilles maritimes et aériennes. Toutefois ces stratégies sont extrêmement coûteuses, même pour les nations les plus riches, et les océans sont trop vastes pour que des techniques de surveillance et de répression en mer soient véritablement efficaces. En 2015, Pew s’est associé à l’entreprise britannique Satellite Applications Catapult pour lancer Oversea Ocean Monitor. Cette plateforme dernier cri combine surveillance par satellite, données d’imagerie, bases de données sur les navires de pêche et données océanographiques pour aider les autorités à repérer et à surveiller les activités suspectes dans leurs eaux et à y faire face.

La plateforme continuera de développer de nouveaux algorithmes de pêche et intègrera de nouvelles sources de données ainsi que des technologies émergentes pour répondre à des besoins en constante évolution. Les expertsanalystes d’Oversea Ocean Monitor continueront de fournir des analyses spécialisées et de communiquer les données sur l’activité des navires aux secteurs public et privé. Les organismes gouvernementaux peuvent utiliser la plateforme pour surveiller efficacement les aires marines protégées et autres sanctuaires et réserves marines, et les entreprises du secteur des produits de la mer peuvent l’utiliser pour s’assurer que les produits qu’elles achètent proviennent de sources licites. L’utilisation du système de surveillance a été déterminante pour les îles Pitcairn, car il a poussé le gouvernement britannique à classer ces îles comme réserve marine hautement protégée, et cette zone est aujourd’hui la deuxième plus grande aire marine protégée au monde.

Conclusion

La pêche illicite menace la durabilité de la pêche à l’échelle mondiale et les économies de nombreuses nations côtières. Forte des partenariats créés depuis de nombreuses années dans le secteur de la conservation marine, Pew est aujourd’hui en position idéale pour collaborer avec les gouvernements et les ONG dans le but de mettre fin à cette activité criminelle.

Notes

  1. Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), « Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée » (2009), http://www.fao.org/3/a-i5469t.pdf.
  2. Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, « La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture » (2016), http://www.fao.org/3/a-i5555e.pdf.
  3. Henrik Österblom et al, « Transnational Corporations as ‘Keystone Actors’ in Marine Ecosystems », PLOS ONE 10, no. 5 (2015): e0127533, http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0127533 (en anglais).
  4. Cathy Haenlein, « Below the Surface: How Illegal, Unreported and Unregulated Fishing Threatens Our Security », Royal United Services Institute (2017), https://rusi.org/publication/occasional-papers/below-surface-how-illegal-unreported-and-unregulated-fishing-threatens (en anglais).
  5. Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, « Transnational Organized Crime in the Fishing Industry » (2011), http://www.unodc.org/documents/human-trafficking/Issue_Paper_-_TOC_in_the_Fishing_Industry.pdf (en anglais).
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