Protéger le secteur des produits de la mer

Comment limiter la pêche illégale et protéger les équipages des navires de pêche de votre chaîne d'approvisionnement

Protéger le secteur des produits de la mer
Fishing vessel

© Luke Duggleby/Redux/The Pew Charitable Trusts

Présentation

À l'échelle mondiale, la pêche illicite et non déclarée représente annuellement 26 millions de tonnes métriques de poisson, pour une valeur de 23,5 milliards de dollars US. Cela équivaut à plus de 771 kg de poisson sauvage volé en mer chaque seconde. Près de 90 % des stocks du monde entier étant exploités au maximum de leur capacité ou en surexploitation, il est aujourd'hui plus crucial que jamais de prendre des mesures contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). Les pêcheurs clandestins volent des collectivités côtières qui dépendent de populations saines de poissons pour leur subsistance, ils trompent les consommateurs qui pensent acheter du poisson provenant de filières licites, ils biaisent les études scientifiques, car elles nécessitent une évaluation précise des stocks, et ils nuisent aux pêcheurs qui respectent les réglementations.

Le projet de The Pew Charitable Trusts contre la pêche illégale souhaite informer les entreprises du secteur des produits de la mer des mesures pouvant être prises pour éviter que des poissons pêchés illégalement ne finissent dans leurs chaînes d'approvisionnement. Divers accords internationaux concernent la pêche en haute mer. En s'astreignant à les respecter, les acheteurs de produits de la mer peuvent éliminer les poissons issus de la pêche INN de leurs chaînes d'approvisionnement. Ce faisant, ils contribueront également à assurer des conditions de travail sûres et décentes aux pêcheurs. Avant l'entrée en vigueur en 2017 de la Convention sur le travail dans la pêche de 2007 établie par l'Organisation internationale du travail1, il n'existait aucune norme internationale du travail applicable à ce secteur. Par ailleurs, la quasi-totalité des réglementations internationales de sécurité, notamment la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, n'établissent toujours aucune norme pour le travail, ce qui rend difficile la détection des pratiques assimilables à du travail forcé.

En mobilisant les détaillants, les transformateurs, l'industrie alimentaire et le secteur hôtelier, nous espérons que ces entreprises parviendront à un consensus pour que des captures illicites ne soient plus proposées au consommateur et que les pêcheurs bénéficient de meilleures conditions de travail.

Fishing net

Les détaillants, transformateurs et acteurs de l'industrie alimentaire et du secteur hôtelier peuvent réduire le marché accessible aux produits de la pêche illégale. En adoptant des politiques d'achat responsables, ils amélioreront par ailleurs les conditions de travail des acteurs des chaînes d'approvisionnement.

© John Andrew Uy/EyeEm/Getty Images

Que pouvez-vous faire ?

Vous, détaillants, transformateurs et acteurs de l'industrie alimentaire et du secteur hôtelier, pouvez réduire le marché accessible aux produits de la pêche illégale. En adoptant des politiques d'achat responsables, vous améliorerez par ailleurs les conditions de travail des acteurs de vos chaînes d'approvisionnement.

Vous pouvez assurer le suivi et la traçabilité des différents maillons de votre chaîne d'approvisionnement, et analyser les liens entre les transformateurs, ports de débarquement et navires de pêche pour identifier les propriétaires de ces entreprises et vous assurer qu'elles respectent la réglementation. Les mesures suivantes peuvent empêcher les poissons pêchés illégalement d'intégrer votre chaîne d'approvisionnement, mais également protéger les personnes qui y travaillent.

  1. Est-il possible d'identifier chaque navire de manière unique? Sans identifiant unique, les navires se livrant

    à des activités illégales peuvent changer de nom ou de pavillon pour ne pas être détectés. La première mesure consiste donc à exiger que chaque navire de 12 mètres ou plus2 dispose d'un numéro émis par l'Organisation maritime internationale (OMI). Cet identifiant unique et permanent, similaire à un numéro de série, suit chaque navire de sa construction à sa mise hors service. Les numéros de l'OMI constituent une première étape vers une identification sûre des navires et pourraient contribuer à réduire la pêche illégale, mais également à améliorer la sécurité en mer. Vous pouvez désormais contrôler les navires en vous assurant qu'ils ne font pas partie des listes INN des organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP). D'ici quelque temps, vous pourrez même consulter leur historique dans le Fichier mondial des navires de pêche de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture.3

  2. Comment puis-je m'assurer des zones de pêche exploitées par les navires? Sans système sûr de surveillance et de suivi de la pêche, les navires peuvent opérer dans les océans du monde entier sans craindre d'être détectés. La deuxième mesure consiste donc à exiger de tous les navires qu'ils disposent d'un système de surveillance VMS. Ce système de transmission satellite sécurisé a été conçu pour la gestion des pêches et est utilisé pour suivre la localisation des navires. Toutes les grandes ORGP imposent aux navires dépendant d'elles d'installer ce dispositif. Pour autant, assurez-vous que vos produits proviennent de navires qui utilisent réellement ce système en demandant l'accès à leurs données VMS. Vous pouvez également exiger que tous les navires utilisent des systèmes d'identification automatique (AIS) permettant de croiser et confirmer leur localisation. Les navires qui diffusent leur localisation sur ce système conçu pour éviter les collisions contribuent à une plus grande sécurité en mer.
  3. Comment puis-je savoir si les débarquements sont soumis à des contrôles stricts? Les ports connus pour leur laxisme ou leurs inspections sommaires constituent, pour les produits de la mer issus de la pêche illicite, des points privilégiés d'accès à la chaîne d'approvisionnement. L'Accord relatif aux mesures du ressort de l'État du port impose aux pays d'exercer des contrôles plus stricts sur les navires battant pavillon étranger qui cherchent à entrer dans leurs ports et à utiliser leurs services. La troisième mesure consiste ainsi à travailler avec vos fournisseurs à une mise en œuvre plus poussée de cet accord en vérifiant si ces navires utilisent bien les ports désignés pour débarquer ou transborder leurs captures. Dans l'affirmative, tournez- vous en priorité vers ces ports pour vos achats. Vous pouvez inviter les États à rejoindre l'accord MREP et vérifier dans quelle mesure ils appliquent les contrôles obligatoires contre le débarquement de produits de la pêche INN, notamment en visitant les ports.
  4. Puis-je suivre chaque poisson de son lieu de pêche jusqu'au port? En dépit des avantages perçus du transbordement pour les flottes de pêche internationales, les lacunes dans la réglementation et la surveillance de cette activité en mer permettent de falsifier les signalements ou de ne pas signaler du tout certaines prises. Cette activité contribue ainsi à blanchir des millions de dollars issus de la pêche illégale par l'intermédiaire du déchargement des captures de différents navires sur ces navires transporteurs. La quatrième mesure consiste donc à imposer à tous les navires pratiquant le transbordement de disposer des autorisations appropriées et d'être surveillés en permanence par des agents, des moyens électroniques ou les deux. Si vos fournisseurs ne peuvent vous garantir ce point, vous pouvez interdire le poisson issu de transbordements dans votre chaîne d'approvisionnement, le temps qu'ils puissent vous prouver la légalité de leurs pratiques.
  5. Les pêcheurs bénéficient-ils de conditions de travail sûres? La pêche commerciale est l'une des professions les plus dangereuses au monde.4 Pourtant, aucune norme de sécurité internationale ne s'applique aux navires de pêche. En raison de l'insuffisance des contrôles dans l'industrie de la pêche, les navires peuvent naviguer et pêcher en mettant en place un minimum de mesures de sécurité, voire aucune. Par conséquent, la cinquième mesure consiste à s'assurer que l'ensemble des équipages et observateurs travaillant dans votre chaîne d'approvisionnement bénéficient d'un environnement sûr et que les navires répondent aux normes de sécurité énoncées dans l'Accord du Cap. Vous pouvez inviter les États du pavillon à ratifier cet accord pour qu'il soit appliqué de manière plus étendue, contribuant ainsi à renforcer les normes de sécurité internationales.

Conclusion

Vous pouvez jouer un rôle essentiel dans la lutte contre la pêche INN et l'amélioration de la sécurité et des conditions de travail à bord des navires en passant au crible votre chaîne d'approvisionnement et en posant les cinq questions ci-dessus. Le renforcement de la supervision de l'activité des navires jouera un rôle essentiel dans la protection des acteurs légitimes du secteur et la suppression de l'avantage injuste dont bénéficient les pêcheurs œuvrant dans l'illégalité. La mise en œuvre de politiques imposant la traçabilité du poisson, des équipages et des navires de la capture au débarquement réduirait les lacunes dont profitent certains opérateurs pour exploiter les océans et les personnes qui en dépendent.

Bibliographie

  1. Organisation internationale du travail des Nations Unies, « Convention (n° 188) sur le travail dans la pêche, 2007 » http://www.ilo.org/ dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO:12100:P12100_INSTRUMENT_ID:312333:NO.
  2. Organisation maritime internationale des Nations Unies, « Circular Letter No. 1886/Rev.6 », http://www.iuuwatch.eu/wp-content/ uploads/2016/11/FINAL-Circular-Letter-No.-No.1886-Rev.6-Implementation-Of-Resolution-A.107828-IMO-Ship-Identification-Number- Scheme-Secretariat.pdf.
  3. Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, « Fichier mondial des navires de pêche, des navires de transport frigorifique et des navires de ravitaillement », http://www.fao.org/global-record/fr/.
  4. Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, « Safety at Sea as an Integral Part of Fisheries Management » (2001), https://www.ntsb.gov/news/events/Documents/2010_Fishing_Vessel_Safety_FRM-29-FAO-Pub-966.pdf.
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