Un nouvel accord sur la conservation au Québec protège 9,134 Km2 de la forêt boréale.
Le partenariat avec les communautés autochtones est essentiel à l'implantation de la politique du Plan Nord de la province canadienne
La province du Québec s'est engagée à protéger 50 % de sa région nordique.
À huit cents kilomètres au nord-est de Montréal, au cœur d'une forêt vierge de sapins et d'épinettes, une rivière emblématique et sauvage afflue. Sans barrage, le cours des eaux non polluées de la rivière Broadback se déverse, au creux de la région boréale, par ses rapides et ses chutes sur une distance de 450 kilomètres jusqu’à l’embouchure de la baie de Rupert. Son bassin hydrographique éponyme est un joyau écologique, un refuge pour des espèces menacées tel le caribou des bois et des oiseaux migrateurs tels que le quiscale rouilleux et la paruline du Canada. Ce bassin versant revêt une importance particulière pour le peuple Cri (ou Eeyou, le nom qu’ils se donnent) qui en tire sa subsistance y pratiquant la chasse et la trappe traditionnels depuis des millénaires. Cette zone est appelée la dernière frontière de forêt intacte constituant l’ultime limite de la région boréale méridionale où l’exploitation forestière commerciale est normalement permise.
Maintenant, elle peut également être appelée protégée.
En vertu d’un accord annoncé par le gouvernement du Québec et le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), plus de 9,134 km2 enchâssé dans la Vallée de la rivière Broadback, incluant une des plus grande réserve d’eau douce, le lac Evans, seront désignés zones protégées et réserves de biodiversité, l’équivalent d’une bande de terre de plus d’un kilomètre et demi s’étallant à la largeur des États-Unis.
Les termes de l’entente couvrent 3 193 km2 de zones de protection déja projetées et auxquelles s’ajoutent plus de 5 436 km2de fôret vierge nouvellement désignés zone de conservation, une zone plus grande que le parc national du Grand Canyon.
Il s'agit d'une bonne nouvelle sur plusieurs fronts.
Le gouvernement du Québec a promis de mettre en place des mesures visant le rétablissement du caribou des bois de la région qui a plus de chance de survivre lorsque son habitat demeure non perturbé et non fragmenté. C’est une espèce indicatrice de la santé de l’écosystème boréal au sens large. L’utilisation des terres ayant considérablement affecté les populations de caribous de la région boréale méridionale, cette action est donc nécessaire afin d’assurer la survie de ces populations.
L’accord entre le Québec et les Cris représente aussi une étape importante dans l’accomplissement de l’engagement environnemental historique de la province canadienne visant d’ici 2035 à protéger la moitié de son territoire nordique contre le développement industriel tout en assurant le développement durable dans l’autre moitié. Selon le gouvernement provincial, 11,6 pour cent du territoire couvert dans le Plan Nord du Québec, la politique qui y définit ses critères de conservation, est maintenant protégé.
Depuis sa première annonce en 2011, le plan a été légitimement salué comme étant exemplaire dans son approche de la conservation des zones de forêt boréale et de toundra. Québec a pris l’engagement de protéger près de 600 000 km2 au nord du 49e parallèle (un territoire équivalent la superficie de la France) contre toute activité industrielle. L’Union internationale pour la conservation de la nature a affirmé que cette politique « pourra servir de modèle planétaire en cette heure grave où nous luttons contre les immenses défis que sont la perte de la biodiversité et les changements climatiques. » et « représente une politique de conservation de la nature exceptionnelle et historique qui suscitera des réactions positives un peu partout dans le monde ».
Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a confirmé en avril 2015 que la province compte maintenir son engagement de protéger 50 pour cent du territoire nordique d'ici 2035 incluant la cible intérimaire de 20 pour cent d’aires protégées d'ici 2020.
Depuis avril, la province a pris des mesures concrètes pour atteindre ces cibles. Aux nouvelles aires de protection du bassin hydrographique de la rivière Broadback s’ajoutent les actions précédentes du gouvernement pour finaliser la protection plus au nord de 4 651 km2 dans le bassin hydrographique de la rivière Kovik et l’ajout de près de 2 000 km2 au parc national Ulittaniujalik.
Nul ne devrait sous-estimer les difficultés et la complexité auxquelles le Québec est confronté alors qu’il poursuit ses objectifs de conservation. Afin de réussir, la province doit continuer à travailler en partenariat avec les nations autochtones de la région boréale. Sans leur entière participation et sans leur consentement éclairé, la vision de conservation énoncée dans le Plan Nord ne peut être réalisée.
Il serait naïf de penser que le processus sera facile ou exempt de controverses ou de faux pas. Par définition, l’implantation de toute politique visionnaire avant-gardiste à l’échelle mondiale comportera son lot de complications. Aussi, on doit toujours se rappeler que les peuples autochtones ne constituent pas une simple entité unifiée monolithique. La nation innue de Mashteuiatsh et la communauté crie de Waswanipi ont exprimé des préoccupations légitimes à propos de certains aspects de l’accord qui nécessitent des mesures de redressement.
Mais le partenariat forgé par le gouvernement du Québec et la nation crie représente un progrès. Il offre un espoir que le processus utilisé par le Québec pour implanter les objectifs de conservation et de développement durable du Plan Nord sera affiné et amélioré au fil du temps et grâce à l’expérience acquise, afin d’aborder les leçons apprises tout au long du processus.
Cela constituerait de bonnes nouvelles non seulement pour la population québécoise mais pour la santé de l'environnement que nous partageons tous.
Monsieur Jacobson est un membre responsable de la campagne internationale Pew pour la conservation boréale.