Les territoires ultramarins français, une incroyable opportunité pour la conservation des océans

L'expansion de la réserve du sud de l'océan Indien serait un atout pour la biodiversité et contribuerait à rapprocher le pays de ses objectifs ambitieux

Les territoires ultramarins français, une incroyable opportunité pour la conservation des océans
La France a annoncé la création d’une zone de protection d'un million de kilomètres carrés dans le sud de l'océan Indien, aux Terres australes et antarctiques françaises. Ce territoire abrite la plus grande colonie de manchots royaux au monde.
Bruno Marie

À l'issue d'une consultation publique de trois semaines conclue en décembre, la proposition visant à étendre fortement les protections marines des Terres australes et antarctiques françaises (plus connues sous l'acronyme TAAF) s'est approchée un peu plus près de sa concrétisation. Elle vise à préserver la riche vie sauvage qu'abrite ce territoire ultramarin composé de divers territoires dispersés dans le sud de l'océan Indien. La mesure, qui pourrait être finalisée par décret ministériel, prévoit d'étendre d'environ un million de kilomètres carrés la zone protégée de la région et ferait plus que doubler la superficie totale des eaux entièrement protégées du pays.

Le projet Héritage des océans de Pew et Bertarelli a fait part de ses commentaires sur la proposition et encouragé le gouvernement français à étendre davantage les zones de forte protection.  

Cette proposition concerne trois archipels : les îles Saint-Paul et Amsterdam, les îles Kerguelen et les îles Crozet. Les eaux entourant ces trois archipels formeront de loin la plus grande aire marine protégée française, qui représentera environ 15 % de la zone économique exclusive (ZEE) globale du pays. Mieux encore, si cette mesure venait à être approuvée, le pourcentage des eaux françaises entièrement protégées ferait plus que doubler, passant de 1,6 % à 4 %.

Cette proposition protégerait des écosystèmes à la biodiversité remarquable qui attirent de nombreuses espèces marines sédentaires et migratrices, comme des orques, des baleines et diverses espèces de pingouins, phoques et thons. Preuve de cette richesse, la plus grande colonie au monde de manchots royaux vit dans les îles Crozet et la deuxième plus grande colonie d'éléphants de mer dans les îles Kerguelen. Quant à l'île Amsterdam, elle abrite la trentaine de couples matures restants d'Albatros d'Amsterdam, une espèce en voie de disparition que l'on ne trouve nulle part ailleurs sur notre planète.

Actuellement, la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises s'étend sur 672 969 km2 autour des îles Kerguelen, Crozet, et Saint-Paul et Amsterdam. L'extension proposée concernerait une zone d'environ un million de kilomètres carrés supplémentaires autour de Saint-Paul et Amsterdam (490 000 km2), Kerguelen (185 000 km2) et Crozet (320 000 km2).

Des études ont montré que des réseaux d'AMP fortement protégées, interconnectées et représentatives sur le plan écologique constituent l'un des moyens les plus efficaces de préserver et restaurer les écosystèmes marins, mais aussi de renforcer leur résilience face au changement climatique. En vérité, une protection élevée interdisant toute activité d'extraction constitue le seul niveau de préservation qui apporte à coup sûr des avantages écologiques.

De plus en plus de scientifiques, communautés et ambassadeurs locaux, organisations non gouvernementales et dirigeants nationaux affirment que le monde doit protéger au moins 30 % des océans d'ici 2030 pour assurer la santé à long terme de notre planète. Plus de 100 pays défendent désormais publiquement cet objectif, principalement par le biais de la Global Ocean Alliance et la Coalition de la Haute Ambition pour la Nature et les Peuples (CHA).

En 2019, le président français Emmanuel Macron s'était engagé à assurer une protection forte sur 10 % des eaux nationales d'ici 2022. Cet engagement ambitieux n'empêche malheureusement pas la France d'être à la traîne en matière de protection des espaces marins. Par exemple, le Royaume-Uni a opté pour une protection totale de 39 % de ses eaux, contre 23 % pour les États-Unis. Les Palaos, État insulaire du Pacifique, ont quant à eux courageusement choisi de protéger 78 % de leurs eaux.

La lenteur des progrès de la France est principalement liée à l'absence d'une autorité totale sur la plupart de ses territoires ultramarins. Les gouvernements locaux de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, par exemple, sont souverains sur leurs ZEE, qui représentent ensemble environ 60 % des ZEE françaises. L'île de Clipperton, dans le Pacifique, est soumise à des accords de pêche signés avec le Mexique, distant de 1 080 km, ne permettant pas la mise en place de nouvelles protections marines. Dans les îles Éparses de l'océan Indien, les initiatives de conservation ont été ralenties par des conflits de souveraineté avec Madagascar. Par conséquent, les TAAF offrent l'opportunité la plus rapide et la plus simple pour créer de vastes réserves marines bien protégées.

Même si la région concernée par ce projet reste épargnée par la pêche commerciale, cette activité s'y développe et ses eaux pourraient finir par être soumises à une pression importante si les nouvelles protections proposées n'étaient pas mises en œuvre. En assurant la protection de ces eaux, la France en préserverait la biodiversité exceptionnelle et accomplirait un pas important vers la réalisation de ses ambitieux objectifs de conservation marine.

Depuis la France, Jérôme Petit dirige les missions associées au projet Héritage des océans de Pew et Bertarelli dans les eaux françaises.