Les gestionnaires de la pêche de l'océan Atlantique doivent agir dès maintenant pour sauver une espèce de requin en voie de disparition

Des fermetures périodiques, des modifications des engins de pêche et des mesures de non-rétention contribueraient à reconstituer les populations de requin-taupe bleu

Les gestionnaires de la pêche de l'océan Atlantique doivent agir dès maintenant pour sauver une espèce de requin en voie de disparition
Proposition de légende : Un requin-taupe bleu, Isurus oxyrinchus, nageant dans l'océan Atlantique. Ces requins en voie de disparition sont souvent capturés accidentellement par les flottes de pêche industrielle, ce qui a entraîné un déclin marqué des populations de requins-taupes bleus.
Getty Images/iStockphoto

En novembre, les gestionnaires régionaux de la pêche devront une fois de plus décider s'ils s'uniront pour soutenir le rétablissement du requin-taupe bleu de l'Atlantique Nord. Il s'agit d'une population qui n'est pas ciblée à des fins commerciales, mais qui est en passe de disparaître ayant été pendant des décennies un dommage collatéral de la pêche à la palangre ciblant le requin bleu et l'espadon. 

L'adoption d'un plan de reconstitution des stocks de requin-taupe bleu se fait attendre depuis longtemps

En 2019, les scientifiques de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA) se sont prononcés en faveur d'une interdiction totale de la rétention des requins-taupes bleus de l'Atlantique Nord par les navires de pêche. Les scientifiques ont également souligné la nécessité de mesures de gestion supplémentaires, telles que des restrictions de pêche sur des périodes et des lieux précis (dites fermetures spatio-temporelles), des modifications des engins de pêche à la palangre et l'obligation de relâcher vivants tous les requins-taupes bleus capturés et de les manipuler de manière à améliorer leurs chances de survie. Malgré les recommandations des scientifiques de la CICTA, les gouvernements ont à plusieurs reprises retardé la mise en œuvre des mesures nécessaires, notamment lors d'une réunion qui s'est déroulée en juillet et qui visait à remédier à cet échec de gestion. La réunion annuelle de la commission se tiendra virtuellement du 15 au 23 novembre.

La reconstitution des populations de cette espèce en danger va désormais exiger une approche à plusieurs volets, les données scientifiques soulignant la nécessité d'une réduction drastique des captures. Parmi les mesures à prendre figurent celles qui visent à lutter contre les captures accessoires, telles que l'interdiction de retenir les requins-taupes bleus et la modification des engins de pêche, afin de réduire les risques de captures accidentelles. En outre, de nouvelles recherches viennent renforcer l'idée que les fermetures spatio-temporelles constituent un outil supplémentaire pour aider à reconstituer les populations de cette espèce.

Pourquoi les fermetures spatio-temporelles sont efficaces

Les fermetures spatio-temporelles interdisent la pêche dans certaines zones pendant certaines périodes de l'année afin de protéger les espèces ou les habitats vulnérables. Alors que la modification des palangres réduirait la mortalité des requins-taupes bleus lorsqu'ils sont capturés, les fermetures spatio-temporelles préviennent, en amont, la capture de nombreux requins-taupes bleus. Les arguments en faveur de fermetures spatio-temporelles pour les requins se multiplient, comme en témoigne un article à paraître qui, à partir des données de la CICTA accessibles au public, conclut qu'il est possible d'identifier les zones où les captures de requins-taupes bleus peuvent être réduites plus fortement et plus rapidement que les captures d'espadons et de requins bleus ciblés dans l'Atlantique Nord.

Bien que les données ne soient pas suffisamment détaillées pour servir de base unique à des fermetures spatio-temporelles particulières en faveur des requins-taupes bleus, l'article identifie certaines zones où les avantages pourraient compenser la diminution du nombre de captures ciblées. Lorsque ces régions constituent des zones de nourricerie potentielles (par exemple, dans les eaux autour des îles Canaries et de la côte nord-ouest de l'Afrique), les avantages potentiels de la protection pourraient être accrus. La fermeture de ces zones à toute activité de pêche à la palangre offrirait une protection supplémentaire aux poissons juvéniles et aux plus grandes femelles reproductrices, qui sont tous deux présents dans les zones de nourricerie. Si elles sont associées à des mesures de non-rétention, les fermetures spatio-temporelles peuvent clairement contribuer à la reconstitution des populations de requins-taupes bleus.

Des mesures exhaustives sont nécessaires

Les gestionnaires ne devraient envisager les fermetures spatio-temporelles que si elles viennent s'ajouter à une mesure de non-rétention et non la remplacer. Un meilleur partage des données, une plus grande transparence et des recherches plus poussées sont nécessaires pour déterminer et élaborer des fermetures efficaces qui maximisent les captures des populations ciblées tout en limitant les captures accessoires de requins-taupes bleus.

Une chose est certaine : À l'heure où les gouvernements préparent la réunion annuelle de la CICTA qui se tiendra en novembre, il est crucial qu'ils parviennent enfin à un accord sur les mesures nécessaires pour réduire suffisamment la mortalité des requins-taupes bleus dans les pêcheries de l'Atlantique. Une gestion multidimensionnelle, qui comprend la non-rétention associée à des mesures de limitation, telles que des fermetures spatio-temporelles, est nécessaire dans un premier temps pour ralentir le déclin actuel des populations de requins-taupes bleus et, dans un second temps pour permettre la reconstitution des populations de l'Atlantique Nord.

KerriLynn Miller est responsable adjointe et Grantly Galland est chargé de mission du projet de pêche internationale pour The Pew Charitable Trusts.