Pour un océan en bonne santé

Les multiples avantages des grandes aires marines hautement protégées

Pour un océan en bonne santé

En bref

L’océan couvre environ les trois-quarts du globe et joue un rôle essentiel pour le maintien de la vie sur la Terre. Ses eaux contribuent à réguler la chimie et le climat de la planète et abritent plus de 2 millions d’espèces, dont un grand nombre reste encore à découvrir1. Sur cette riche biodiversité s’appuient notamment des pêcheries qui nourrissent plus de 4 milliards de personnes2.

L’intensification des impacts de l’homme sur l’océan entraîne la disparition de bénéfices essentiels qu’offre cet écosystème. Les courants acheminent des millions de tonnes de plastiques et autres débris depuis les côtes vers le large, où ces déchets nuisent à la vie marine et modifient le fonctionnement des écosystèmes3. L’augmentation du taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a plusieurs conséquences, notamment l’élévation des températures et l’acidification de plus en plus prononcée de l’océan, ce qui aggrave davantage encore les stress subis par les écosystèmes marins. La pêche fait également les frais de cette situation. Dans le monde, 4 millions de navires de haute mer capturent plus de 80 millions de tonnes de poisson chaque année4, ce qui conduit au déclin mondial des pêcheries marines. Aujourd’hui, 90 % des stocks sont hautement exploités ou surexploités5. De nouvelles technologies de pêche, parmi lesquelles d’énormes chaluts de fond en acier ou des dispositifs de concentration de poissons équipés de sonars et de GPS, dégradent également d’importants habitats océaniques et augmentent le volume des captures accidentelles ou « prises accessoires ».

Les grandes réserves marines hautement protégées constituent un outil essentiel pour répondre à plusieurs enjeux qui touchent au bon état de l’océan. Ces réserves protègent des zones océaniques contre les activités humaines, par exemple la pêche industrielle, l’extraction de ressources naturelles ou toute autre utilisation destructrice. Elles contribuent également à préserver les espèces, les habitats et la diversité fonctionnelle des écosystèmes. Pourtant, à ce jour, seuls environ 2 % des océans mondiaux ont été désignés comme réserves marines hautement protégées. Des scientifiques de premier plan recommandent vivement qu’au moins 30 % des océans aient ce niveau de protection.6

The Pew Charitable Trusts

Les réserves marines apportent des mesures de protection efficaces

Une étude datant de 2014 montre que les activités humaines ont un impact cumulé sur les écosystèmes océaniques et que les réserves marines offrent de meilleurs bénéfices en termes de conservation lorsqu’elles sont vastes, hautement protégées, isolées, parfaitement respectées et anciennes. Les bénéfices sont considérablement plus importants lorsque ces cinq caractéristiques sont réunies. Par exemple, les aires marines protégées qui présentent toutes ces caractéristiques ont 14 fois plus de biomasse de requins, 2 fois plus de grands poissons et 5 fois plus de biomasse de poissons en général que les zones non protégées. En comparaison, les aires marines protégées ne présentant qu’une ou deux de ces caractéristiques ne se distinguent pas vraiment des zones exploitées7.

Les grandes réserves marines hautement protégées contribuent à la conservation de la vie océanique. Elles ne constituent en aucun cas la seule solution à l’ensemble des nuisances qui affectent les systèmes marins, mais elles bénéficient aux écosystèmes:

  • En préservant la biodiversité. Une analyse des recherches menées dans plus de 120 réserves marines dans le monde a démontré que les réserves entraînent des hausses moyennes de 21 % pour la diversité biologique et de 28 % pour la taille des poissons et autres organismes marins. Elles présentent également, en moyenne, 450 % de biomasse en plus que dans les zones non protégées8. Les réserves peuvent être particulièrement bénéfiques dans les zones qui abritent des organismes marins menacés en danger d’extinction ou uniques en leur genre.
  • En offrant des avantages écologiques aux écosystèmes voisins. Les avantages pour la vie marine s’étendent au-delà des frontières des réserves. Par un effet en tache d’huile, les populations de poissons présentes en abondance dans les zones hautement protégées se déplacent vers les eaux avoisinantes9. En outre, le processus connu sous le nom d’« ensemencement » disperse les larves des espèces présentes dans une réserve vers les zones extérieures10.
  • En protégeant les prédateurs et en maintenant l’équilibre del’écosystème. Les réserves marines apportent des avantages considérables aux prédateurs. Par exemple, sur un site des Philippines, la biomasse des poissons prédateurs continuait à croître de manière exponentielle 18 ans après l’établissement de la réserve11. Des études scientifiques récentes ont aussi mis en lumière le rôle crucial joué par des populations saines de grands prédateurs marins dans l’équilibre des écosystèmes12, ainsi que la manière dont leur reconstitution peut donner des réseaux trophiques en bon état et plus complexes13. Ces écosystèmes sont alors plus à même de résister en cas de modifications inattendues de leur environnement et ils sont davantage capables de se reconstituer par la suite.

Les réserves marines bénéficient également aux communautés :

  • En soutenant l’économie locale. Les réserves marines favorisent le bon état et la vie de l’océan : elles attirent ainsi les touristes, ce qui permet de dynamiser les économies locales. Il est crucial pour un grand nombre de pays et de territoires insulaires de réussir à attirer des visiteurs. Par exemple, aux Palaos, l’écotourisme joue un rôle fondamental dans la croissance économique actuelle et future. Plus de la moitié des visiteurs de ce pays sont des plongeurs dont les activités génèrent environ 90 millions de dollars par an14.
  • En créant des côtes plus résilientes par le renforcement des récifs. Une étude réalisée en 2013 révèle que les réserves marines interdites à la pêche, et en particulier à la pêche des poissons-perroquets, peuvent contribuer à rendre les récifs coralliens six fois plus résilients au blanchissement. Lorsque ces restrictions sont accompagnées de mesures de gestion relatives au changement climatique, la perte des coraux pourrait être réduite d’un tiers15. En 2014, des scientifiques ont découvert que des récifs coralliens en bon état réduisent les risques induits par des catastrophes naturelles telles que les tempêtes, les inondations ou l’érosion. Ils fournissent une protection importante et réduisent les impacts de la houle de 97 % en moyenne. Près de 200 millions de personnes habitant en zone côtière dans le monde bénéficient de la réduction des risques offerte par les récifs coralliens16.
  • En préservant le patrimoine culturel. Dans beaucoup de cultures, par exemple sur l’île de Pâques, en Polynésie française ou aux Palaos, la conservation est une pierre angulaire de l’histoire et de la vie quotidienne de la communauté. La protection des terres et de la mer respecte des pratiques et des croyances très anciennes. Ainsi, durant des siècles, les chefs des Palaos ont assuré la protection des eaux locales à travers la pratique traditionnelle du bul, un moratoire sur la capture des espèces clés ou sur la pêche dans certains récifs qui offrent un habitat essentiel. Les résidents des îles Australes de Polynésie française comprennent l’importance de leur culture insulaire et ont engagé, au cours des dernières décennies, des efforts visant à raviver des pratiques abandonnées depuis longtemps qui font le lien entre leur patrimoine et leur environnement.
  • En renforçant la surveillance et la bonne application de la législation. Les experts en matière d’application de la législation soulignent qu’il est plus facile de mener des activités de contrôle et de surveillance lorsque toutes les activités extractives et destructrices sont interdites dans une zone donnée. Lorsqu’une zone est déclarée interdite à la pêche, les règles sont claires et les activités de contrôle sont simplifiées : au lieu de devoir identifier les espèces ciblées par un navire particulier ou le type d’engin de pêche qu’il utilise, il suffit aux forces chargées de faire respecter la loi de se concentrer sur n’importe quel navire détecté dans une zone interdite à la pêche. Ceci peut être réalisé en utilisant des satellites ou d’autres technologies de repérage, telles que le projet Eyes on the Seas et le Centre de surveillance virtuel pour les réserves marines. Pew s’est associé à Satellite Applications Catapult pour développer cette technologie innovante qui fusionne le suivi par satellite et les données d’imagerie avec d’autres sources d’information, comme les bases de données des navires de pêche et les informations océanographiques, dans le but de contribuer à la surveillance des mers du globe

Conclusion

Toutes les régions de l’océan sont soumises à des impacts négatifs, mais il est possible de remédier aux dommages qu’elles subissent. De vastes réserves marines hautement protégées peuvent contribuer à préserver la biodiversité et les habitats de grande valeur qui s’y trouvent et qui sont des élements essentiels au maintien des fonctions de l’écosystème et à la protection contre les modifications de l’environnement. Ces réserves peuvent également produire une importante croissance économique sur le long terme pour les économies locales, et protéger les traditions uniques et fondamentales des cultures du monde entier qui sont historiquement liées à la mer.

Endnotes

  1. Camilo Mora et al., « How Many Species Are There on Earth and in the Ocean? », PLOS Biology, vol. 9, no 8 (2011), e1001127, doi:10.1371/journal. pbio.1001127.
  2. Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture : possibilités et défis (2014), http://www.fao.org/3/a-i3720f.pdf.
  3. Murray R. Gregory, « Environmental Implications of Plastic Debris in Marine Settings—Entanglement, Ingestion, Smothering, Hangers-On, Hitch-Hiking and Alien Invasions », Philosophical Transactions B, vol. 364, no 1526 (2009), 2013-2025, doi:10.1098/rstb.2008.0265.
  4. Organisation de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture, La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture.
  5. Ibid.
  6. Callum M. Roberts et al., « Application of Ecological Criteria in Selecting Marine Reserves and Developing Reserve Networks », Ecological Applications, vol. 13, no 1, supplément (2003), S215–228, http://eprints.whiterose.ac.uk/344/1/robertscm5.pdf ; et Union internationale pour la conservation de la nature, « A Strategy of Innovative Approaches and Recommendations to Enhance Implementation of Marine Conservation in the Next Decade » (recommandations proposées après le Congrès mondial des parcs, Sydney, 12-19 nov. 2014), http://worldparkscongress.org/downloads/approaches/ThemeM.pdf.
  7. Graham J. Edgar et al., « Global Conservation Outcomes Depend on Marine Protected Areas With Five Key Features », Nature, vol. 506, no 7487 (2014), 216-220, doi:10.1038/nature13022.
  8. Sarah E. Lester et al., « Biological Effects Within No-Take Marine Reserves: A Global Synthesis », Marine Ecology Progress Series, vol. 384 (2009), 33-46, doi:10.3354/meps08029.
  9. R.A. Abesamis et G.R. Russ, « Density-Dependent Spillover From a Marine Reserve: Long-Term Evidence », Ecological Applications, vol. 15 (2005), 1798-1812.
  10. Hugo B. Harrison et al., « Larval Export From Marine Reserves and the Recruitment Benefit for Fish and Fisheries », Current Biology, vol. 22, no 11 (2012), 1023-1028, doi:10.1016/j.cub.2012.04.008.
  11. Garry R. Russ et Angel C. Alcala, « Marine Reserves: Long-Term Protection Is Required for Full Recovery of Predatory Fish Populations », Oecologia, vol. 138, no 4 (2004), 622-627, doi:10.1007/s00442-003-1456-4.
  12. Gregory L. Britten et al., « Predator Decline Leads to Decreased Stability in a Coastal Fish Community », Ecology Letters, vol. 17, no 12 (2014), 1518-1525, doi:10.1111/ele.12354.
  13. Jordi Bascompte, Carlos Melian et Enric Sala, « Interaction Strength Combinations and the Overfishing of a Marine Food Web », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 102, no 15 (2005), 5443-5447, doi:10.1073/pnas.0501562102.
  14. G.M.S. Vianna et al., Wanted Dead or Alive? The Relative Value of Reef Sharks as a Fishery and an Ecotourism Asset in Palau (Perth : Institut australien des sciences de la mer et Université d’Australie-Occidentale, 2010), http://www.pewtrusts.org/~/media/ Assets/2011/05/02/Palau_Shark_Tourism.pdf.
  15. Peter J. Mumby et al., « Operationalizing the Resilience of Coral Reefs in an Era of Climate Change », Conservation Letters, vol. 7, no 3 (2014), 176-187, doi:10.1111/conl.12047.
  16. F. Ferrario et al., « The Effectiveness of Coral Reefs for Coastal Hazard Risk Reduction and Adaptation », Nature Communications, vol. 5, no 3794 (2014), doi:10.1038/ncomms4794.